Blood Diamond pourrait aisément se résumer à une claque monumentale de 2h30, aussi bien d'un point de vue cinématographique que politique. Edward Zwick traite d'un sujet profondément difficile à mettre en place à l'écran, et il se doit de le traiter à travers divers points de vue, pour ne pas tomber dans une linéarité dérangeante. Chacun des personnages incorporés à l'histoire reflètent donc des partis uniques, qui cohabitent les uns avec les autres dans une immense cacophonie. L'étude devant être détaillée avec précision et devant jouer sur divers tableaux pour concerner le spectateur, la durée du film s'en retrouve parfaitement justifiée. Cette longueur, tant filmique que profilmique, permet de prolonger l'immersion dans cet "autre monde" de longues heures après la fin du générique.
C'est dans un cadre africain aux paysages somptueux que l'action va se dérouler. Paysages nettement mis en valeur par une réalisation qui mêle la propreté des décors à l'atrocité des hommes avec brio. Le contraste de l'enfer paradisiaque se retrouve tout au long du film, et donne, par l'intermédiaire d'une bande-son d'ambiance, tout l'aspect tragique de telles conditions de vie. Très proche dans son exploitation de l'environnement de La Cité de Dieu (Brésil), cela nous fait prendre encore plus conscience du gâchis des hommes et de notre incapacité flagrante à vivre les uns avec les autres. Sensation de dépit qui va être renforcée au fil des minutes, grâce ou à cause de l'impact des personnages. Le trio de circonstances qui se retrouvera lié par un même objectif, va faire naître des émotions marquantes.
Un trafiquant de diamants, dont le cynisme ressort à chacune de ses paroles, et dont le passé défini l'homme qu'il est, est interprété par Leonardo DiCpatrio, qui se révèle encore une fois irréprochable à l'écran. Pour l'accompagner, il y a ce père de famille, personnage le plus touchant du long-métrage, qui n'aura qu'une idée en tête : Retrouver son fils, capturé et rééduqué par les révolutionnaires. Et enfin, pour servir de liant entre les deux, cette journaliste aux idées humanistes, qui ne vit que pour défendre ce qui est juste, et qui jouera un rôle prépondérant dans l'histoire, à travers sa relation complexe avec Leo. Cette aventure les conduira à faire face à diverses épreuves, qui mettront en scène et dévoileront les conditions que subissent ces pays d'Afrique, ignorés par le reste du monde. De nombreuses scènes poignantes se doivent donc d'accompagner le tout, marquants avec force la frontière qui semble les séparer du reste du monde, ainsi que le pessimisme qui se dégage de telles situations. Chaque personnage du film, hormis la journaliste et le père de famille, semblent accepter un destin qui se veut fataliste, comme résolus à vivre de souffrances.
Plus l'histoire se densifie et entre encore plus en profondeur dans les conditions de vie de ces peuples, plus le rythme va devenir accéléré, dynamisant les images pour donner une impression de confusion, qui symbolise toute l'incertitude du moment présent que peuvent vivre les personnages. Comme si leurs vies ne tenaient toujours qu'à un fil, nous voyons ainsi de très prêt la mort, la tristesse, la cruauté. De si près même qu'elle nous apparait presque "commune". On en revient à cette impression de fatalité, la mort devient notre quotidien et fait figure de seul échappatoire à ce continent ravagé.
Les différents groupes de personnes, avec leurs objectifs et leur égoïsme, font office de seules éducations pour des enfants qui se retrouvent perdus. Ils ne savent plus ce qu'est la vie, ce qui est bien, ce qui est mal, ce sont de véritables jouets de guerre, réduits à un état qui les déshumanise totalement. Plus rien ne trouve une logique, le sens même des actions et des images se perd, laissant pour seule impression un dégout profond de ce que nous sommes capables de faire, de nous faire, les uns aux autres. On en vient même à se demander : "Est-ce cela l'humanité, en fin de compte ?".
Blood Diamond se dévoile donc comme un concentré d'intelligence. La capacité de Zwick à livrer un film qui regroupe tout ce que le public en attend (actions, romance, suspens...) et qui aurait donc pu partir dans un divertissement de bas étage, est toujours rattrapé par un désir artistique et politique, qui mêle la poésie à la souffrance, pour devenir plus qu'une simple expérience cinématographique, mais une expérience de vie. La tension et l'émotion ne cessent de progresser au fur et à mesure de l'aventure, les personnages gagnant en impact et en cohérence grâce à des acteurs qui entrent parfaitement dans leurs registres. L'impression de justesse qui se dégage de ce film concerne à peu près tous les domaines qu'il propose, et le tout s'en retrouve donc purifié, le rendant incomparable dans sa puissance émotionnelle. Quand le générique apparait, nous ne pouvons qu'apprécier le chef d'oeuvre tel qu'il est, et rester dans une admiration silencieuse et respectueuse. This is Africa.