Cluny s'est interrogé. Doit-il suivre son intuition, se référer à la B-A affligeante et à la promotion franchouillarde, faire confiance à la critique quasi-unamime qui descend en flammes le troisième opus des aventures cinématographiques du petit héros gaulois-gaulliste, et bouder ce naufrage annoncé ? Ou bien doit-il à ses fidèles lecteurs d'endurer ces 113 minutes pour leur offrir la perception clunysienne de cet objet promotionnel qu'il répugne à appeler un film ? Cluny a choisi, il a accepté de se glisser dans une salle où d'emblée il s'est senti étranger, en l'entendant éclater de rire à la vision de Franck Dubosc en slip kangourou dans la bande-annonce de "Disco".
Par Toutatis ! Que m'arrive-t-il ? Serais-je victime du syndrome Alain Delon ?
Retour à la première personne, donc, pour narrer l'agacement et l'ennui que j'ai ressentis durant la projection. Agacement devant ce qu'il faut appeler de l'escroquerie cumulée à de la captation d'héritage : la plupart des spectateurs se presseront dans une des 815 salles en pensant voir la suite de "Astérix, Mission Cléopâtre". Las, au mieux, ils verront l'avatar d'"Astérix & Obélix contre César", premier épisode poussif de la saga signé de l'immortel auteur des "Bidasses en Folie", Claude Zidi.
L'avatar, car Thomas Langmann a tenté de reproduire les procédés qui avaient fonctionné avec Alain Chabat : prendre l'intrigue comme prétexte pour truffer le film de clins d'oeil à l'actualité avec l'esprit Canal (Jamel, Edouard Baer, les Robins des Bois, Chantal Lauby...). Sauf que l'esprit Canal sans Canal, ça donne une mécanique qui tourne à vide, et que ce faisant, il a perdu le peu de continuité narrative qu'il y avait dans le film de Zidi.
Thomas Langmann est avant tout un producteur, et "Astérix aux Jeux Olympiques" est un film de producteur : pour amortir un tel budget, il faut penser coproduction et distribution européenne. On a donc engagé un ressortissant par public visé : Vanessa Hessler pour l'Italie, Benoît Poelvoorde pour la Belgique, Michael Herbig et Michael Schumacher pour l'Allemagne, Santiago Segura pour l'Espagne, Stéphane Rousseau pour le Québec, Adriana Karembeu pour la Slovaquie et Alain Delon pour le Japon. On rajoute quelques "comiques" hexagonaux : Elie Semoun qui fait de l'Elie Semoun, Frank Dubosc qui fait du Franck Dubosc, Alexandre Astier qui fait du Kaamelot. Vous me direz, dans le 2, Jamel faisait du Jamel, et Edouard Baer de l'Edouard Baer. Certes. Mais eux, ils sont drôles.
Enfin, on complète le vide abyssal du scénario et des "gags" par un appel aux people : Zinedine Zidane, Amélie Mauresmo, Tony Parker, Jean Todt, Michael Schumacher, Dany Brillant et Francis Lalanne s'échappent des pages de Closer pour venir faire leurs cameos, dont l'accumulation achève de transformer ce film en une suite asmathique de sketchs pénibles, que tente de lier la musique de Frédéric Talgorn qui rendrait celle de John Williams presque étherée.
Je ne m'étendrai pas sur la pauvreté des gags. Il suffit de raconter un des premiers : Brutus sur son cheval veut impressionner les Grecs chez qui il vient d'arriver. Il appelle son aigle pour qu'il vienne se poser sur son gant de fauconnier, le rapace le percute et il tombe de cheval, sous les rires de ses légionnaires. Seulement voilà, les rires étaient sur l'écran, pas dans la salle (pourtant de bonne composition !).
Ce n'est un secret pour personne, le tournage s'est déroulé dans un climat délétère, et si Poelvoorde adopte un profil bas dans la promo en France ("Je ne dirai pas que je me suis fendu la gueule. Il ne faut pas mentir"), en Belgique il ne cache pas que que "ce tournage est une machine de guerre qui te lamine. Tes états d'âme, on s'en bat les couilles. En plus, il y avait une ambiance de merde." Je ne retrouve pas le texte d'une interview que j'ai vue récemment, où un des acteurs étrangers expliquait que le plus pénible était l'absence de maîtrise du tournage en vue de l'intégration des effets spéciaux, qui interviennent dans plus de mille plans.
L'utilisation de ces fameux trucages numériques me fait penser à ces gens qui viennent de découvrir un logiciel de P.A.O., et qui en superposant toutes les polices, tous les cliparts et tous les effets Wordart finissent par rendre leur mise en page indigeste. Le propre d'un FX réussi, c'est un peu comme pour le montage, c'est qu'on ne le remarque pas. Ici, on ne voit que ça, et cette absence de discrétion souligne encore plus le côté carton-pâte de l'ensemble. Participer à l'échec d'"Astérix aux Jeux Olympiques" est un acte citoyen, un élément de régulation libérale. C'est se prémunir d'un possible Asterix 4, et libérer quelques centaines de salles pour y montrer de vrais films.
Ave moi, Cluny
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