Le réalisateur se souvient : "Lors de la sortie de mon premier long-métrage, La Vallee des montreurs d'ours, j'avais assuré un grand nombre de projections débats dans les salles de cinéma en France. C'est de ce voyage-là, mais aussi de la sollicitation de l'équipe d'Utopia [réseau de salles de cinéma indépendantes] qu'est né le projet de ce film : parler de l'exploitation cinématographique dans un pays à tradition cinéphile."
Selon Francis Fourcou, le développement des multiplexes depuis le début des années 90 remet en cause l'une des fonctions essentielles de la salle de cinéma : la création de lien social : "L'impact de cette urbanisation ordonnée par la voiture est importante car cette évolution a des conséquences catastrophiques sur le lien social, sur la condition sociale des banlieues, plus généralement on peut observer un repli sur soi (...) Or, le cinéma -c'est l'un des propos importants du film- est le partage d'un fonds culturel commun, le lieu de rencontre entre les citoyens, quelquefois le seul dans une commune. A l'inverse, le muliplexe est un lieu de consommation. Si les salles indépendantes disparaissent, que restera-t-il de cette notion de partage ? Les lieux publics le sont de moins en moins, ils se privatisent ; même la poste de votre commune le sera à terme si on laisse faire le libéralisme ambiant ! Le mot revient souvent dans ce film : la salle de cinéma, c'est aujourd'hui un lieu citoyen d'échange et de partage."
J'aime la vie, je fais du vélo, je vais au cinéma est le deuxième long métrage de Francis Fourcou après La Vallee des montreurs d'ours (1997), documentaire sur les paysans d'une vallée ariégeoise. Il est l'auteur de plusieurs courts métrages sur le monde rural, notamment L'étoile du berger (1986) et Georges Rouquier ou la belle ouvrage (1992), consacré au réalisateur du mythique Farrebique. Citoyen engagé, il a été assistant du militant Peter Watkins et travaillé comme distributeur pour des films aussi singuliers que Qu'est-ce que j'ai fait pour meriter ca?, l'un des premiers Almodovar ou Le Sixieme Jour de Youssef Chahine.
Le cinéaste est allé recueillir les témoignages d'exploitants de plusieurs salles indépendantes européennes : le Quartier Latin à Paris, le Ciné Mugron dans les Landes, La Brèche en Gironde, Le Jean Eustache à Pessac et les Arenberg à Bruxelles. Plusieurs des personnes interrogées font partie du célèbre réseau de salles art et essai Utopia, très actif dans le sud de la France (Toulouse, Avignon).
La lutte des exploitants indépendants rejoint un combat politique plus large, comme l'explique Francis Fourcou : "J'ai voulu faire un film qui réjouit, qui nous montre qu'il ne faut pas baisser les bras, qu'on peut réussir le plus difficile si on décide de l'entreprendre. Et aussi que rien ne se fait sans passion, sans amour, sans partage. Rien que des valeurs éloignées du monde que l'on voudrait nous faire accepter dans discuter. Il y a, paraît-il, 17% d'alter-consommateurs potentiels en France. Ces alter-consommateurs remettent en question le mode global de consommation, de relation déséquilibrée entre producteurs et distributeurs, entre pays du Sud et Occident. Ces alternatives sont devenues crédibles. Ici, nous sommes en pays de la langue d'Oc, langue sans terre et sans nation. On y discerne une première utopie, celle des troubadours, un art de découverte, d'invention. Il se répand comme "l'étincelle dans la suie" dit le troubadour Marcabru. C'est dit, "l'étincelle dans la suie", voilà ce que j'aime, car c'est l'âme de la vie."
L'affiche du film a été dessinée par Charb, un des plus célèbres signatures de l'hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo.