Deuxième long métrage de l'Autrichienne Jessica Hausner après Lovely Rita (2001), Hotel a été présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes en 2004, dans le cadre de la section Un Certain Regard.
La cinéaste précise ses intentions : "La caractéristique principale du film de genre est son adhésion complète aux lois du genre. Elle procure au spectateur le sentiment de se trouver en terrain connu (...) Ce qui m'intéresse, c'est au contraire de parvenir à un langage cinématographique qui remette en question ce balisage et ce sentiment de sécurité. De la même façon, je voulais échapper au naturalisme (...) Mon parti-pris est de raconter une histoire sans proposer d'explications. Je voulais vraiment ne pas donner trop d'indices et éliminer tous les détails réalistes, sociaux ou psychologiques qui pourraient fournir des informations aux spectateurs. Il était essentiel, pour moi, de maintenir une certaine ambiguité. Les éléments rationnels, pas plus que les éléments surnaturels, n'apportent de réponse définitive."
La cinéaste se souvient : "A l'origine, le projet remonte à une idée de court métrage que j'avais eue il y a longtemps : quelqu'un était menacé de mort par téléphone, prenait peur et entreprenait diverses actions pour se protéger, tout en tentant d'ignorer la menace. La vie confrontait cette personne à certaines peurs confuses auxquelles il devenait difficile de se soustraire. A la fin, elle quittait son appartement et disparaissait. Il s'agissait là d'une idée que j'ai eu envie de développer plus avant."
L'origine d' Hotel est en fait plus lointaine, si l'on en croit la cinéaste qui évoque un souvenir d'enfance : "Lorsque j'étais petite, j'habitais dans une maison isolée (...) Je me souviens de longues et sombres après-midi. Je me livrais à un drôle de jeu, une sorte de rituel qui consistait, dans un premier temps, à éteindre la lumière en haut des marches, je descendais ensuite les escaliers plongés dans l'obscurité jusqu'à l'entrée qui n'était pas éclairée non plus et, de là, je me dirigeais vers une pièce sans fenêtres, la garde-robe. Dans mon imaginaire enfantin, cet endroit symbolisait l'épicentre du danger et du mal. Là, il me fallait encore atteindre l'interrupteur, très éloigné, et ce n'est qu'à ce stade que je m'autorisais à allumer la lumière. Ce jeu me mettait dans un état de peur panique tout en me procurant beaucoup de plaisir. C'était une sorte de défi, un piquant mélange d'envie et de crainte qui, plus d'une fois, m'a sauvé de l'ennui."
Hotel est une production Coop 99, maison fondée en... 1999, et qui rassemble la jeune génération de cinéastes autrichiens : Barbara Albert, Jessica Hausner, Antonin Svoboda et Martin Gschlacht, qui est par ailleurs directeur de la photographie sur les deux longs métrages de Jessica Hausner.
Jessica Hausner, qui souhaitait "parvenir à une impression de suspense qui provienne de la stylisation et du montage mais qui ne repose pas sur une menace concrète, reconnaît l'influence du maître du genre, Alfred Hitchcock : "Il y a notamment dans Sueurs froides une scène où James Stewart parle à Kim Novak dans les bois. A un moment, elle recule de trois pas dans l'ombre. Le plan suivant correspond à la perception de la scène par James Stewart qui ne la voit plus. Elle réapparaît ensuite soudainement. Je trouve le montage et le découpage de cette scène fascinants. J'imaginais Hotel composé de moments d'étrangeté semblables où quelqu'un épie ou se sent épié, entend des paroles qu'il ne comprend pas."
Irène, le personnage central de Hotel, est incarné par Franziska Weiss, vue dans un autre film autrichien très dérangeant, Dog days de Ulrich Seidl.
L'intrigue et l'atmosphère d'Hôtel renvoient à l'univers des contes, des récits qui tiennent une place importante dans les pays de langue allemande (notamment à travers l'oeuvre des frères Grimm) : "J'ai lu beaucoup de nouvelles et de contes autrichiens au moment de l'écriture d'Hotel. Toutefois les éléments qui ont trait à la mythologie germanophone, notamment la forêt et la "Dame des bois" font partie d'un jeu. Ce sont des leurres dramatiques à ne pas prendre au sérieux", note Jessica Hausner, qui ajoute : "J'ai récemment lu les Contes de Grimm à une petite fille qui a adoré. Ce sont des récits brutaux où des gorges sont tranchées, des mains coupées et qui ne cessent de dire qu'il faut avoir peur de la vie. J'étais moi-même enthousiasmée par cette lecture. Les Contes de Grimm m'ont d'autant plus intéressée qu'ils évitent le manichéisme et nous disent que le bien et le mal coexistent (...) Hotel a beaucoup à voir avec l'écriture du conte qui repose souvent sur une structure très simple, comme mes propres scénarios."