Redford derrière la caméra & pas devant, c’est assez rare pour qu’on se demande d’où vient au juste la veine américaine de ces films country qui ne sont pas des westerns. Sous la baguette d’Edward Zwick, Brad Pitt ferait deux ans plus tard un autre film mettant en scène des frères du Montana – trois, cette fois-là, le ”niveau au-dessus” de Legends of the Fall. Mais il ne faut pas jeter la pierre de la comparaison trop vite à la rivière de Redford, qui ne m’a rien demandé & qui arrive, sans Hopkins (oups, je comparai derechef) à construire son univers narratif.
La photo aurait pu mieux rendre hommage aux magnifiques paysages du Nord-Ouest, je trouve, mais il a d’autres atouts pour nous impliquer, à savoir s’impliquer lui-même. Tiré d’un roman semi-autobiographique de Norman Maclean (rôle tenu par Craig Sheffer aux côtés de Pitt), le film a bénéficié de consultants en matière de pêche à la mouche au point que c’en était presque ridicule, car ce n’était pas l’objet. Force est toutefois de constater que tout le monde y trouve son compte, surtout les acteurs secondaires qui se tiennent là comme des ombres en arrière-plan des souvenirs. Une place pas forcément juste, mais qui sonne juste, de quoi rythmer la vie des Maclean depuis l’enfance de Norman (interprétée par un tout jeune Gordon-Levitt) jusqu’à son grand âge.
Qu’importe qu’il y ait ”trop d’arbres”, comme un éditeur le reprochait au vrai Maclean avant qu’il ne réussît à se faire publier, quand les pièces d’une ode familiale sont disposées avec la poésie d’une authenticité mûrie. Cette même réflexion existe dans les idées qui transparaissent derrière chaque scène & qui nous font dire que Redford a vraiment cherché à donner vie aux décors, une vie d’antan qui respire la nostalgie aussi sûrement que le cours de la rivière est inflexible.
En-dehors de tout cela, ce sont sans doute les personnages qui convainquent moins. Un père poli (…par les années passées par l’auteur à se le remémorer ?), Pitt à l’aise dans ses mimiques mais fainéant dans l’envol & Sheffer presque aussi ”dull” que son rôle, tout ça n’est pas pour s’inscrire dans le caractère durement épopéique du tout. Il faudra plutôt se reposer sur le naturel, notamment féminin, qui émerge pour une fois des costumes & des coiffures vintage.
Redford s’y voyait déjà, alors peut-être a-t-il négligé l’enfance, mais son far-western romanesque est loin de revenir bredouille de la pêche aux images.
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