Le titre original, «The Squid and the Whale», fait référence au dernier plan du film où Bernard se retrouve seul au muséum d’histoire naturelle qu’il avait promis de visiter avec Franck, et où il s’attarde devant une maquette mettant en scène l’affrontement d’un cachalot et d’un calmar géant. Outre le clin d’œil aux aventures du Capitaine Zizou de «la Vie aquatique» dont le réalisateur avait signé le scénario, ce plan symbolise la bestialité de la lutte entre Joan et lui, ou tout du moins de la violence de leurs affrontements ressentie par ses fils. Car il s’agit un récit grandement autobiographique, et l’intérêt essentiel réside justement dans le fait qu’il est raconté du point de vue des enfants. Comme eux, on apprend la séparation au moment où Bernard et Joan leur annoncent (même si nous n’avons pas la même naïveté, et que les signes avant-coureurs -sans parler du titre français- étaient suffisamment explicites), comme eux nous découvrons les infidélités passées et les rancoeurs accumulées a posteriori.
Les questions qui se posent sont les leurs : que dire à leurs copains ? qui va garder le chat ? comment investir une nouvelle maison, surtout si le père met un poster de ce naze de Vilas à la place de celui de Gerulaitis ? Question que se pose surtout Franck, Walt ayant assumé sa nouvelle chambre en y placardant une affiche de «La Maman et la Putain» : cherchez le symbole…
Le traitement de ce sujet n’est pas nouveau : de «Génial, mes parents divorcent» aux films de Diane Kurys, le cinéma a déjà abordé le thème de la séparation et de ses effets sur les enfants. Mais la manière de le traiter est attachante, sur le mode de la chronique nostalgique, avec un montage nerveux et la multiplication des sous intrigues : la découverte de la sexualité par Franck, la mythomanie et le plagiat de Walt qui se confronte à sa première histoire d’amour, la crise de la quarantaine de Bernard qui se retrouve en concurrence avec son fils pour une de ses élèves, Lili (jouée par Anna Paquin, qui a bien grandi depuis «La Leçon de Piano»).
Jeff Daniel compose une sorte de M. Keating(le prof d’anglais du «Cercle des Poètes disparus») qui aurait perdu ses illusions, égocentriste et atrabilaire, finalement pathétique. Les deux acteurs qui jouent ses fils sont excellents : Jesse Eisenberg tout en tensions internes, jeune Rastignac à qui Paris échappe, et Owen Kline, apparemment lisse mais soumis à des séismes profonds, tapissant les armoires de ses condisciples de sperme et vidant la bouteille de whisky comme autant d’appels au secours. Le seul défaut de ce film est le revers de sa qualité principale : sa légèreté de ton, le détachement ironique renforcé par la reconstitution soignés des années 80 font du spectateur un témoin vaguement attendri, mais finalement pas plus impliqué que ça.
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