Dans l’acte 1 d’ « The Asphalt Jungle » (« Quand la ville dort » titre français qui ne rend compte de rien), Doc Riedenschneider (Sam Jaffe) explique avec une rigueur toute germanique la réalisation d’un casse et le casting pour le réaliser. L’acte 2 nous montre la constitution de l’équipe , toujours avec rigueur à laquelle s’ajoute une description minutieuse des différents protagonistes et leur relation immédiate. Ce faisant Huston réalise un travail d’orfèvre, si j’ose dire puisque l’objet du casse est un lot de bijoux conséquents. Les femmes sont certainement les plus touchantes que ce soit Doll (Jean Hagen) désespérément amoureuse de Dix (Sterling Hayden) qui essaye de ne pas la blesser, où May Emmmerich (Dorothy Tree) la femme handicapée et qui espère encore l’amour d’un mari (Louis Calhern) qui après une dernière partie de carte la quittera pour Angela (premier rôle important de Marylin Monroe) qui pourrait être sa petite fille, elle l’appelle d’ailleurs “uncle”. Egalement une remarquable étude du pouvoir apporté par le statut social, vis à vis non seulement aux petites frappes, mais aussi de l’expérimenté Doc Riedenschneider. Et c’est là que tout se complique, cette allégeance à un puissant avocat, aussi habile dans la corruption que dans l’imposture, va entraîner le récit dans un désordre chaotique, mais sans que le réalisateur ne se détache un instant d’une rigueur sans faille. Enfermé à la fois dans ce carcan relationnel motivé par l’appât du gain, et prisonniers de cette ville irrespirables, personne ne pourra s’échapper indemne. La fin dans la pré, à proximité d’une ferme, est la rédemption tragique du moins pourri d’entre tous. C’est dire si John Huston à brillamment mis en scène le scénario qu’il a écrit avec Ben Maddow, adapté du roman de W.R. Burnett. Chaque scène, jusqu’au niveau du plan, atteint une sorte de perfection et l’opérateur Harold Rosson leur apporte un noir et blanc au grain et contraste somptueux. Certains cadrages, innovants pour l’époque (1950) et des mouvements de cameras inédits sont accompagnés par une partition somptueuse de Miklós Rózsa, grandiose, elle sait également se faire délicate dans les moments intimistes. Et la direction d’acteur de John Huston est irréprochable, avec un casting qui ne l’est pas moins. L’un des grands paris gagnants du cinéaste fut de confier, contre les objections de Dore Schary, le patron de la MGM, le rôle principal à Sterling Hayden (ex communiste, qui avait la réputation d’être un alcoolique). Sam Jaffe offre le rôle de sa vie, comme Jean Hagen et Louis Calhern. Enfin, Marilyn Monroe endosse parfaitement le rôle de la petite ni sainte, ni nitouche, avec un sens épatant de la prononciation et de l’attitude (déjà). “The Asphalt Jungle” est un chef d’oeuvre du film noir, à mon sens encore supérieur à “The Maltese Falcon” sortit neuf ans plus tôt. Le film inspira très nettement Stanley Kubrick pour “The Killing” (L’ultime Razzia) qu’il réalisa en 1956.