Huis clos parmi les plus emblématiques du cinéma, Le Bateau, de Wolfgang Petersen marque aussi bien une véritable épopée narrative qu’un exploit technique prodigieux. Le cinéaste allemand, dont il s’agit là d’un des premiers véritables long-métrages, réalise l’exploit de faire subir la claustrophobie à son public, l’immergeant abruptement dans les entrailles d’un U-Boot allemand, chasseur de convois alliés dans l’Atlantique Nord. Bravant les minages des destroyers, les tempêtes et l’ennui, l’équipage du sous-marin nous est présenté comme de la chair à canon, l’instrument guerrier d’une Marine militaire sous les ordres d’un tyran, un assemblage de têtes brûlées sous tutelle d’un commandant inébranlable. Les marins allemands sont ici les seuls individus que nous serons à même de côtoyer, humains avant tout, terrorisés et terrorisant, militaires serviles qui ne politisent que rarement leurs propos, s’obstinant avant tout à survivre. Oui, comme nous l’indique la statistique désopilante au tout début du métrage, sur 40'000 sous-mariniers allemands, seuls 10'000 rentreront au pays.
Dans sa version grand public, Das Boot est pourvu d’une durée de 3h30. Initialement, le film approchait les 5h20. Autant vous dire que l’immersion, sur le durée, n’en est que décuplée. Sans compter sur le fait que la version distribuée est amputée de quelques séquences clefs, transitions souvent manquantes de la version courte. Les aficionados, du moins les passionnés, choisiront indiscutablement la version longe, à raison. En effet, si le final est poignant, il l’est d’avantage encore après avoir suivi la réelle épopée de l’équipage de l’U-Boot, les périples sous-marins invraisemblables d’un groupe d’homme confinés dans une boîte métallique sordide, une arme ambulante aussi destructrice que destructible. Matelots, officiers, mécaniciens, tous tiennent un rôle déterminant au sein de cette machine guerrière ahurissante, technologie militaire avancée qui subira autant les assauts humains que naturels. C’est globalement simple. Oui, dès les repères posés, l’aventure est palpitante, passionnante, ahurissante et parfaitement réaliste. L’enfer de l’enfermement prend ici tout son sens.
Mais l’autre prouesse de Wolfgang Petersen, outre de nous avoir servi un mythe, c’est sans conteste sa débrouillardise, sa maîtrise, pour filmer ses hommes dans de tels espaces réduits. Au gré des coursives, dans l’antre du moteur, entre les couchettes et autres torpilles, le cinéaste semble être parvenu à faire fi de l’exiguïté du plateau, faisant évoluer ses caméras et micro dans des trous de souris, en dépit de l’eau, de la fumée et de la place qu’ont pris les acteurs. Un travail de titan couronné, à juste titre, d’un certain prestige tant les faux raccords ou bourdes techniques sont inexistantes. Tout est parfait, l’éclairage, le contraste, le réalisme des images. Das Boot est donc, à l’image de quelques films techniquement puissants, une référence en termes de filmage, d’éclairage et de positionnement des installations techniques. Bluffant.
Film culte, indémodable, toujours aussi impressionnant 34 ans après sa sortie en salle, Das Boot est un film de guerre inoubliable, une sérieuse aventure éprouvante, une reconstitution prodigieuse de conditions ahurissantes. Que ceux qui n’auraient pas encore tenté l’aventure prennent garde. C’est un crime. 19/20