Das Boot est un film de guerre hors-norme. Une fresque monumentale qui, dans sa version la plus répandue, atteint les 3h30. C'est le chez-d'oeuvre improbable de Wolfgang Peterson, qui après ce coup de force n'a fait que pas mal de choses assez datées: L'Histoire sans fin, Troie...
Pour passer rapidement sur des détails pragmatiques, Das Boot est d'abord une totale réussite technique. Réalisé dans des conditions difficiles dans les années 1980, Das Boot n'a rien perdu de sa force et de son ambiance. Les 3h30 restent confinées à 90% du temps dans l'espace exigu d'un U-Boat de la seconde guerre mondiale. Technologie oblige, les caméras trop volumineuses ont obligé à tourner le film en muet, puis à rajouter le son ensuite. Même en le sachant, on ne se fait pas avoir une seule fois, chapeau. Les rares scènes d'extérieur sont très belles, je pense surtout aux plans sur le sous-marin en plongée, avec sa silhouette obscure dans un océan aux tons verdâtres ou bleuâtres. Culte...
Das Boot est ensuite un scénario incroyable, inspiré de l'histoire tragique de l'U-96. Il y a du Moby Dick, de l'Odyssée d'Homère dans toute cette histoire, dans des scènes démentes comme le torpillage du pétrolier en flammes ou le passage en force de Gibraltar. La guerre sous-marine n'a rien à voir avec les belles pirouettes aériennes ou les charges d'infanterie héroïques. Les scènes de combat font glisser le film vers un huis-clos oppressant qui n'a rien à envier au film d'épouvante. Quand des bombes explosent, le Boat est secoué dans tous les sens, il plonge pour les esquiver et fait hurler la coque, les boulons sautent, les hommes deviennent fous. Toute la saleté de la vie sous-marine nous est crachée au visage, on y sent l'odeur du camboui, de la sueur, des vêtements moisis par les flots d'eau.
Les acteurs sont tous plus meilleurs les uns des autres, notamment Jurgen Prochnow en capitaine désabusé, tantôt cruel et parfois paternaliste. En revanche, on regrette que, film allemand oblige, le réalisateur ait à ce point nié l'embrigadement des sous-mariniers à la solde du Reich. La plupart des sous-mariniers du film, au mieux s'en fichent, au pire sont carrément critiques envers Hitler.
Il faut du courage pour s'envoyer d'un coup un film aussi long. Mais il est passionnant, extrêmement documenté. Les tranches de vie quotidienne, l'odeur de la promiscuité et les rigolades autour d'une partie de cartes, succèdent à l'horreur des combats, le goût du sang, les bruits effrayants des craquements de tôle. Le film commence dans l'orgie bon-enfant du départ où même les officiers se bourrent la gueule, pour finir dans le drame total.
Oh, et puis il y a cette bande-son, tellement géniale, culte à mort, de l'obscur Klaus Dodlinger qui n'a jamais persisté dans la musique de film. A notre grand dam.