Métrage important de David Cronenberg, Faux-semblants appartient à sa période la plus classique, celle de La Mouche, du Festin nu, et c’est un métrage original à défaut d’être totalement abouti.
En effet, on peut considérer qu’il y a quand même quelques limites. Je pense par exemple à l’introduction, assez prétexte ici, des délires « fantastiques » des protagonistes. Bien sûr on est dans le rêve, les narcotiques, mais le fantastique est utilisé ici avec une telle parcimonie justement qu’on se demande si en glisser trente secondes au mieux c’était par juste pour mettre un peu plus de sang et de spectacle. Le final pourra aussi relativement décevoir, abrupt, trop simple, il ne met pas franchement en valeur toute la qualitative histoire précédente.
En dépit de cela le film est très bon. D’abord bénéficiant de l’excellente interprétation, spécialement celle de Jeremy Irons, qui avec un double rôle crève l’écran. En fait le film se résumerait presque à lui, et il porte ses deux personnages avec un grand talent, trouvant sans doute ici ses rôles les plus aboutis, les plus complexes. Autour de lui pas des acteurs avec de grandes carrières, mais Geneviève Bujold est tout de même à la hauteur, et on notera l’apparition de la toujours très séduisante Jill Hennessy !
Le scénario est original, audacieux, imaginatif, comme souvent dans le cinéma de Cronenberg. En dépit de la fin un peu décevante comme évoqué, l’intrigue, tortueuse est accrocheuse, et traite de divers sujets avec toujours ce côté sombre et cet humour très noir qui caractérisent le réalisateur. Ce n’est pas un film spectaculaire comme La Mouche, mais c’est fin, culotté, grinçant, et encore une fois Cronenberg nous filme une descente aux Enfers avec une certaine jubilation.
Formellement c’est très abouti. L’ambiance est réussie, profitant de toute évidence de l’excellente bande son du compositeur Howard Shore mais aussi de cette atmosphère très années 80, dans les décors, les costumes qui sied fort bien au propos du film. Il y a ce grain d’images caractéristique, et puis il y a de vrais bons choix dans les couleurs (les tenues de chirurgie) les éclairages, qui apporte à la fois beaucoup de classe et de mystère au film.
Pour ma part Faux-semblants fait clairement partie du sommet des films de Cronenberg. S’il est dommage qu’il se soit senti obligé d’introduire une touche de fantastique plus racoleuse qu’utile (c’est un peu trop souvent le cas avec ce réalisateur), et que la fin marque plus une baisse de régime qu’un bouquet final très notable, c’est malgré tout une réussite audacieuse, originale, et rondement conduite. 4.5