Le thème du voyage dans le temps est, au même titre que l'extra-terrestre, l'humanoïde ou le futur, l'un des thèmes récurrents de la science-fiction. Ce sous-genre a été popularisé dans les années 80 tout d'abord avec le "Terminator" (1984) de James Cameron, premier opus d'une série de cinq films à l'heure actuelle ; la cultissime trilogie "Retour vers le futur" (1985) de Robert Zemeckis, avant d'être recréée à la sauce Gilliam dans "L'armée des douze singes" (1995) et traitée aussi dans la Japanimation avec "La traversée du temps" (2006) de Mamoru Hosoda. "L'Effet papillon", sorti en 2004 et réalisé par Eric Bress et J. Mackye Gruber (méconnus, oui), est un de ces films qui faisait partie de la longue liste de films que je devais voir, ne sachant trop à quoi m'attendre (si ce n'est à un thriller semi-psychologique compliqué dont une histoire ambiguë n'y arrangerait rien)... Pour au final découvrir un film pratiquement ignoré, presque oublié, voire mal aimé par beaucoup (33% de critiques positives sur Rotten Tomatoes!! T_T), qui s'avère être au final un véritable perle de la science-fiction ! Evan (Ashton Kutcher) est un homme victime d'importants problèmes de mémoires depuis son enfance. Afin qu'il puisse se remémorer ses actions, il écrit le déroulement de ses journées dans des carnets de note. Un jour, il découvre qu'il est doté du don de l'"effet papillon", une théorie selon laquelle le changement d'une action moindre chamboulerait tout. Lui et son entourage ayant connus beaucoup de malheurs durant son enfance, Evan décide de changer le déroulement de sa vie et celui de Kayleight (Amy Smart), l'amour de sa vie, grâce à la lecture à voix haute de ses carnets ; ainsi il redevient l'enfant qu'il était et peut agir autrement de la réalité qu'ils ont vécue. Cependant, il est difficile de trouver le juste milieu lorsqu'on a eu un passé comme le sien... Réussira-t-il à diriger ce pouvoir? Pourra-t-il effacer les pires moments de sa vie grâce à lui? Voilà pour le pitch, tout en essayant de s'éloigner le plus possible du spoil. Résultat des courses? Le film avait déjà un potentiel énorme, du très bon marché et un excellent pari de réaliser une version "inversée" de "Retour vers le futur" sur cette étrange notion d'"effet papillon" (chose à laquelle je crois dur comme fer), et au final pas de gâchis, je suis ressorti comblé, fasciné par ce qui s'avère être pour moi l'un des films de SF les plus intelligents de ces quinze dernières années ! D'abord, le film, véritable récit philosophique, interroge sur l'une des idées les plus intéressantes et envieuses (à tort) qui soit, celle de l'une des plus mauvaises envies de l'Homme: jouer avec le passé, donc tenter l'impossible, un défi que tout Homme doit éviter avant de se retrouver en pleine déchéance, et d'atterrir aux portes des enfers. Dans le film, le personnage d'Ashton Kutcher, enfant, a été traumatisé par son père violent, et par la jalousie du frère de son amie d'enfance, ayant amené ce dernier à le menacer de mort et à tuer son chien. Après la mort de Kayley, c'est là qu'il découvre qu'il a en sa possession le pouvoir de revivre un moment de son passé ; mais au lieu d'agir de la même manière que la première fois, il effectue un geste différent afin de rendre sa vie meilleure, ce qui change ainsi son passé... mais aussi son présent. Si le début du film nous laisse présager une lenteur pesante, autant de retournements de situation finissent par rendre le film palpitant, le spectateur ressort ainsi de la séance avec énormément de réponses à ses questions. Ensuite, le film propose un portrait précis de personnages. Effectivement, les deux réalisateurs ne se contentent pas de simplement les mettre en valeur mais dénonce d'une manière ingénieuse
certaines mauvaises attitudes humaines (comme
le viol, la violence familiale, la pédophilie, le tabagisme, l'égoïsme, le meurtre... C'est pratiquement tous les péchés capitaux qui y sont évoqué)
grâce à une mise en garde contre tout cela ; le scénario devient ainsi une sorte de récit philosophique assez semblable aux portraits de Jean de La Bruyère de son ouvrage "Les caractères", questionnant sur l'Homme et ses défauts. Enfin, le film possède une très belle morale, remplie d'humanité et d'optimisme (c'est ce que j'aime particulièrement dans les films de science-fiction, c'est à dire lorsqu'ils ne se contentent pas uniquement de balancer plein d'effets visuels, d'humour et une histoire fictive, mais aussi de nous offrir une nouvelle vision du monde): il ne faut pas essayer de changer le passé, puisqu'il ne reviendra pas, sous peine d'empirer le présent. Ca nous en dissuade hein? Les acteurs s'en donnent également à coeur joie dans leurs rôles, en particulier Ashton Kutcher ("Valentine's day", "Coast guards") est brillant dans ce rôle d'homme au passé déchu, profondément humain puisqu'en plus de vouloir s'aider soi-même, il cherche également à aider les autres
(même Tommy, le frère de Kayley, jaloux de lui et voulant garder sa soeur rien que pour lui),
ce qui nous permet de découvrir une nouvelle facette de l'acteur (n'était pas particulièrement habitué aux rôles "sérieux"). J'en ai déjà dit long ; pour conclure, entre "Retour vers le futur" et "La traversée du temps", "L'effet papillon" est une réussite totale, une superbe fable émouvante voire aux frontières de l'effrayant qui m'a fasciné et qui m'a fait changer ma vision de la SF ! A voir d'urgence !