Ce western comportant une pléiade de stars fut l'un des premiers films à être tourné en cinérama, un format spécial qui permettait d'obtenir de très larges panoramiques. Il fut abandonné car il était trop coûteux. Si l'on ajoute à cela que trois réalisateurs on signés ce film, cela donne une idée de l'ampleur de la bête : une production démesurée se proposant de couvrir l'histoire de l'Amérique dans ses grandes lignes sur plusieurs générations, et ce en suivant l'itinéraire d'une famille dont la destinée s'inscrit évidemment dans celle des pionniers. C'est donc plus une fresque grandiose qu'un western, mais l'aspect documentaire sur l'époque à laquelle se déroulait ces derniers est bien présente, quant à la dernière des quatre parties composant le film, c'est du western pur et dur, ce qui démontre de la volonté de l'attacher à ce genre.
Tout d'abord on se retrouve à voir la famille Prescott descendre un fleuve sensé les amener à l'Ouest. Dès le début, on est éblouit : de chaque plans jaillit une myriade de détails, le cadrage et la position des personnages est toujours soigné afin que ressorte d'absolument toutes les images une impression de « grand film de cinéma ». Pour le cinéphile que je suis, c'est une aubaine, on s'en émoustille immédiatement pour admirer tellement que les presque 3h00 que durent le film semblent filer comme une flèche. Il n'y a pas un seul gros plan sur visage, même lors des instants intimes, qui n'en perdent pas moins de leur force pour s'épandre en tableau d'amour lié à la grandeur et à la beauté de la nature. Les costumes superbes s'y insèrent avec une simplicité remarquable, faisant le trait d'union entre la vedette d'Hollywood et le personnage : James Stewart incarne un trappeur des montagnes, Henry Fonda un chasseur de bison, et John Wayne le capitaine Sherman. Et encore, ce dernier n'apparaît que peu de temps durant la guerre de Sécéssion, ce morceau là étant réalisé par Ford, qui délivre un fragment historique de cinéma à l'aide de plans fixes très long d'une facture impeccable, d'acteurs hors du commun, d'une intrigue simple mais justement qui prouve que tout réside dans la mise en scène, et d'une atmosphère chaotique sublimée par une rangée de canon tirant tour à tour. Mais les deux fils conducteurs qui divisent en deux vie parallèles le sillon creusé par la famille Prescott sont leurs deux filles : Caroll Baker campe Eve Rowling, femme rêveuse d'aventure qui tombe de béatitude face aux exploits racontés par la littérature qu'elle adore ; alors que Debbie Reynolds, dans le rôle de Lilith Van Halen, est une chanteuse exubérante et pleine de vitalité, « femme-amérique » se complaisant dans le risque, l'argent et l'inconstance. Deux visages du Nouveau monde, opposés l'un à l'autre, l'un représentant les fermiers et leurs fameux ranchs, l'autre la vitrine éclatante de la vie citadine.
Les 4 espaces développés dans le film permettent une variété très agréable, ne permettant certes pas d'offrir une rétrospective complète mais d'en citer les événements les plus en liens avec l'avancée vers l'Ouest. Les convois de caravanes avançant dans les plaines sont empreint d'un souffle épique stupéfiant. L'attaque des Indiens puis la poursuite sont classiques certes, comme à peu près tout ce qui rattache How The West Was Won aux westerns, mais le procédé du cinérama les transforment en expérience encore plus spectaculaire. La marée déferlante de bisons n'en est pas moins un moment des plus impressionnant qu'il m'ait été donné de voir sur grand écran. Mais la première et la dernière des scènes d'actions sont celles qui se distinguent le plus du lot. La descente des rapides est longue, prenante, sans musique, et a due être d'une difficulté monstre à filmer. Cela s'approche du genre de saisissement que l'on a devant la tempête terrible qui se déchaîne pendant plus de vingt minutes dans Ryan's Daughter de David Lean. Enfin, la tentative de s'emparer d'une locomotive à vapeur boucle la boucle à la perfection : non seulement il s'agit d'un revirement à l'un des duels les plus essentiels du western, mais on peut aussi y voir une volonté d'immortaliser le final en terme cinématographiques par une référence à Vol d'un grand rapide, le premier western de l'histoire du cinéma ! Réalisé par George Marshall, cette séquence est dynamique, très efficace, et d'une intensité qui monte crescendo jusqu'au grand frisson.
Quant à la musique d'Alfred Newman, elle accompagne l'ensemble à merveille, tout comme les songs utilisés lors des scène de cabaret où Lily déploie ses talents (scènes très sympathiques...), ou le célèbre hymne que l'on entend lorsque Sam s'en va à la guerre et en revient.
La Conquête de l'Ouest est inégal, certes. C'était on ne peut plus prévisible, avec 3 réalisateurs à la barre. Il n'empêche que c'est un chef d’œuvre déroulant à la fois un pan d'histoire, de mœurs et d'aventure mêlée de lyrisme. Inoubliable.