Nous souhaiterions ici nous associer aux critiques qui estiment la réputation de ce film très surfaite. À y regarder de plus près, on peut constater que Preminger, avec cette "Laura", a voulu surfer sur la vague du succès enviable que Hitchcock avait obtenu 4 ans plus tôt avec sa "Rebecca". Nous y trouvons les même ingrédients : Une belle séductrice ambitieuse et manipulatrice, adulée par son entourage et à laquelle sa femme de chambre voue un véritable culte. Un gigolo qui réussit à la séduire en provoquant inévitablement des jalousies féroces. La femme qui disparaît en continuant à exercer, post mortem, un véritable envoûtement sur ceux qui l'ont connue et même sur une personne qui la découvre seulement en portrait.
Malgré l'ajout d'une bonne musique un peu surexploitée cette "Laura" nous a fait l'effet d'un plat réchauffé. Pas plus l'ambiance que les rebondissements ne soutiennent la comparaison avec le chef d'œuvre de tonton Alfred.
N'étant pas nostalgiques des émissions radiodiffusées "Les maîtres du mystère", l'introduction en voix off que certains n'hésitent pas à qualifier d'exploit du 7ème art ne nous a pas du tout convaincus. Faut-il y voir les débuts de l'audiodescription ? Soyons sérieux...une femme vue de dos s'avançant vers une porte qui s'ouvre sur une silhouette plantée dans la pénombre, le geste fugitif d'un canon de fusil braqué sur elle,
le fracas d'un coup de feu suivi d'un fondu au noir eût été un début autrement plus spectaculaire...Radio ou cinéma il faut choisir, nous n'aimons pas le mélange des genres...
Maintenant l'enthousiasme débordant que montrent certains pour le minois de G.Tierney nous plonge dans un abîme de perplexité. Elle est belle certes mais pas plus que les dizaines d'autres starlettes standardisées dont Hollywood a fait une promotion outrancière. On se pâme face au sourire énigmatique et au regard insondable de la star du moment, en oubliant que les battements maniérés des faux cils ne cachent bien souvent rien d'autre qu'un intellect assez limité, confirmé par la vie privée dissolue de l'intéressée. Passée la séquence d'émotion, de frissons générés par le rêve hypnotique qu'on a bien le droit de s'accorder le temps que défile la pellicule, devrait revenir le moment de renouer avec la banale réalité du quotidien.
Il faut aussi bien rester conscient du fait que les cabotins n'ont guère la possibilité d'affirmer un quelconque caractère qui leur serait propre, étant donné que, dans l'univers impitoyable du show-biz, les réalisateurs les formatent et les manipulent à leur guise tels des marionnettes que l'on jette comme des kleenex dès qu'ils cessent d'être lucratifs.
Quant à la mise en scène il n'y pas non plus de raisons de s'extasier. Preminger est resté prisonnier des carences du cinéma muet. Son film reste engoncé dans le style théâtral où les personnages, dont certains sont caricaturaux, déclament leurs répliques. Il n'a pas encore compris que le cinéma lui donnait la possibilité d'offrir aux spectateurs l'illusion de la réalité grâce à une caméra naviguant dans divers espaces en multipliant les angles de vue. Ici on n'arrive pas à s'extirper du huis-clos, tout se joue dans un espace étriqué qui se réduit pour l'essentiel à des appartements interchangeables. Quant au prétendu suspense, il est torpillé dès le début par une réflexion judicieuse du flic au véritable coupable, ce qui nous donne un "Columbo" avant la lettre. De plus, le final style Agatha Christie où l'on réunit tous les protagonistes est également fort décevant.
Mais ce qui plombe définitivement ce film c'est cette orgie d'invraisemblances :
-
L'attitude improbable de Waldo au restaurant. Un amateur de tendrons n'aurait
certainement pas rabroué cette proie qui s'offrait à lui avec insistance.
- Il vient tuer Laura chez elle alors qu'il savait qu'elle était partie à la campagne ?
- Waldo parvient à s'introduire dans l'appart. de Laura alors que le flic avait
soigneusement verrouillé toutes les portes ?
- Personne ne remarque la Disparition de Diane, alors qu'elle est la dernière personne à
avoir vu Laura vivante.
- Pourquoi Robert aurait-il apporté du tord boyaux chez Laura alors qu'il savait y
trouver du bon Whisky ?
- Une radio démolie qui se remet à fonctionner comme par enchantement.
- Laura qui ne s'étonne pas de voir la robe de sa rivale dans sa penderie.
- Pourquoi Laura protègerait-elle Shelby après les humiliations répétées et
impardonnables qu'il lui a fait subir ?
- Pourquoi Laura dit-elle au même qu'elle ignore l'existence d'un fusil, alors qu'il se
trouvait bien en évidence chez elle à la campagne ? Ce qui d'ailleurs ne débouchera
sur rien au cours de l'enquête !
- Qui avait fourni au flic la clé lui permettant de pénétrer en toute illégalité dans
l'appartement de Waldo ?
- Et enfin la cerise sur le gâteau : Le flic défonce d'un coup de pied la pendule de Waldo
parce qu'il ne parvient pas à découvrir le mécanisme d'ouverture et plus tard chez
Laura il déclenche sans hésiter le même mécanisme !!!
CONCLUSION : Le père Preminger nous prend vraiment pour des cons d'où
la note 1/5 et encore pour la musique...