"Les chambres rouges", ou quand la frénésie en surface émane de tout ce qui grouille en profondeur.
Un film sur le fil, toujours à la limite, qui déploie son univers crépusculaire, urbain, lancinant, mais aussi abrupt, où tout est évoqué en nuances : alors que nous sommes transportés à la lisère de situations extrêmes, Pascal Plante, au croisement entre Fincher, Lynch et Villeneuve, ne se focalise ni sur le noir ni sur le blanc. C'est bien toute la palette de gris qui relie ces deux polarités qui l'intéresse.
En ce sens, jamais le portrait Ludovic Chevalier, bourreau présumé, ne sera brossé en détail, de façon putassière afin d'assouvir les pulsions voyeuristes du spectateur. Et même si l'appréhension du verdict reste en toile de fond, ce n'est pas le véritable sujet du métrage. Ce dernier se réinvente à mesure que son intrigue progresse : nous passons du film de procès au thriller psychologique, en passant par le drame social pour aboutir in fine, à un character study.
Plusieurs intrigues vont alors se côtoyer :
- L'affaire judiciaire bien sûr, moteur principal et fil rouge de l'action.
- Le réalisateur va ensuite porter son regard sur la constellation des points de vue, sur le bagage émotionnel des hommes et des femmes qui vont graviter autour de cette affaire : de la famille des victimes au simple citoyen informé par les terribles événements jugés ici, "Les chambres rouges" réussit avec une efficacité féroce à retranscrire l'engouement médiatique ainsi que les rouages du tribunal populaire dans toute leur mécanique et complexité.
Aucun personnage n'est unidimensionnel, ici les frontières sont poreuses. Et c'est dans toute leur ambiguïté que ces acteurs délivrent des performances variées et d'une justesse assez déconcertante.
Quel meilleur environnement pour évoquer le délicat, mais ô combien capital sujet qu'est la Justice ? Ou comment la réalisation de ce principe fondamental côtoie à la fois les plus grandes détresses que les plus vils instincts.
Jurés malgré-nous, chaque retournement, chaque parole, chaque geste devient signifiant et apporte son lot de réflexions tant au-delà de la forme, le fond déborde de richesse thématique.
Autant d'éléments qui en font l'un des thrillers récents, qui arrive à capter et à jouer de façon pertinente avec les codes de son époque sans tomber dans le pastiche ou dans la facilité.
Un film qui s'impose dans les mémoires, et ressurgit par fragments, sensations, images, sons.
Un moment de cinéma incandescent.