C'est à l'autre bout de son département de naissance qu'Alain Guiraudie, 60 ans, natif de Villefranche-de-Rouergue, Aveyron, est allé tourner "Miséricorde", son nouveau film. Plus exactement dans la région de Millau, du Larzac et de la vallée de la Dourbie. Le personnage principal se prénomme Jérémie, il est au chômage, mais il travaillait dans la boulangerie industrielle après avoir appris à pétrir le pain à Saint-Martial (nom de village inventé) auprès du boulanger local. Au décès de ce dernier, Jérémie revient dans son village afin de rendre visite à Martine, la veuve du boulanger, et se retrouve confronté à ses pulsions et à celles d'un certain nombre de personnes. En particulier celles de Vincent, le fils de Martine, un être violent persuadé qu'il en train de se passer quelque chose entre sa mère et Jérémie, ce qu'il n'accepte pas. En particulier, les pulsions sexuelles que Jérémie ressent pour Walter, un ami de Vincent. En particulier la très grande attirance du prêtre envers Jérémie. Comme le dit le curé, "Nous avons tellement besoin d'amour" ! Lequel curé dira aussi, plus tard, que la violence fait partie du monde et qu'on en a besoin. Un curé qui, à un moment donné, n'hésite pas à inverser le processus de confession, demandant à Jérémie de le confesser. Un curé qui explique l'inutilité et même le côté néfaste, dans certains cas, d'une grande sévérité en matière de justice; même en cas de meurtre. Que voulez vous, on est chez Guiraudie dont on se félicite que, malgré le succès qu'il rencontre de plus en plus, film après film, il ait pu réussir à garder le côté iconoclaste de ses débuts. Dans "Miséricorde", Alain Guiraudie a fait des choix forts. Celui de se passer de musique d'accompagnement, on le retrouve de plus en plus et, le plus souvent, on s'en félicite. Par contre, celui de ne pas éclairer les scènes nocturnes est assez rare et plutôt risqué dans la mesure où, durant de longs moments, c'est à peine si on peut deviner ce qui se passe à l'écran. Mais, après tout, comment espérer convaincre les spectateurs que nous vivons une période très sombre de l'histoire si votre film est illuminé par une lumière artificielle ? Par ailleurs, par petites touches, Guiraudie nous montre une certaine réalité de la France rurale : à part les personnages, Vincent, le curé, Martine, les gendarmes, Walter, que Jérémie ne cesse de rencontrer dans le village ou dans le bois à proximité, qui rencontre-t-il ? Personne ! Le village est quasiment mort. Quant au prêtre, on comprend qu'il est souvent en déplacement pour aller dire des messes à droite et à gauche, parfois à 2 heures de route en voiture. Pour la première fois de sa carrière, Félix Kysyl, plus habitué au théâtre et aux séries télévisées, s'est vu proposer un premier rôle au cinéma, celui de Jérémie, et il y montre un talent très sûr. Quant à Catherine Frot, elle est parfaite dans le rôle de Martine. Et le reste de la distribution ? C'est du solide, ce qui, avouons le, n'était pas toujours le cas dans les tout premiers films d'Alain Guiraudie.