À la mort du boulanger dont il fut longtemps l’apprenti, avant de partir s’installer à la ville, Jérémie (Félix Kysyl) revient dans son village natal de l’Aveyron. Il y retrouve Martine (Catherine Frot), la veuve du boulanger, Vincent, son fils soupe-au-lait, et Walter, un ami d’enfance.
Alain Guiraudie est un réalisateur hors normes. Communiste, homosexuel, aveyronnais, il s’est fait connaître en 2013 avec "L’Inconnu du lac". En 2016, "Rester vertical" divisait la critique. Zéro étoile pointé dans mon blog et un commentaire lapidaire : » Rester vertical est peut-être un bon film. Mais je l’ai détesté. »
« J’imagine qu’aujourd’hui, un spectateur de mes films s’attend à quelques trucs de ma part. Il voit à peu près vers où je vais aller. J’ai bien conscience de travailler toujours un peu les mêmes questions., les mêmes motifs, et je joue avec ça, avec ce qu’on attend de moi. Mais j’ai aussi envie de surprendre, de me surprendre, de me renouveler » écrit-il fort intelligemment dans le dossier de presse.
"Miséricorde" – dont le titre m’est resté longtemps obscur et que je ne suis pas absolument certain d’avoir compris – se passe certes dans les mêmes paysages ruraux que "Rester vertical". Mais il a une lueur automnale, presque crépusculaire, que n’avait pas "L’Inconnu du lac", noyé dans la dionysiaque luminosité de l’été provençal.
Cette lumière et les hasards de la programmation m’ont évoqué "Quand vient l’automne" sorti deux semaines plus tôt. Les deux films se ressemblent. Même cadre rural, mêmes personnages lestés de lourds secrets, même intrigue policière autour d’un crime dont le spectateur est le seul à connaître l’auteur. Mais si le Ozon louche du côté de Chabrol, l’ironie transgressive de Guiraudie évoque plutôt Buñuel.
Car "Miséricorde" – et son titre aurait dû me mettre la puce à l’oreille – met en scène un homme d’Eglise peu habituel, Philippe, le curé du village qui surgit toujours quand on l’attend le moins, dans la cuisine de Martine ou dans le bois aux champignons. Le rôle qu’il va jouer dans l’enchaînement des mensonges dans lesquels Jérémie s’enferre est pour le moins surprenant. On n’en dira pas plus…
Un mot sur l’usage étonnant que Guiraudie fait de ses décors et de la manière dont il utilise sa caméra. Miséricorde, l’air de rien, est construit comme une pièce de théâtre avec un nombre très limité de décors que l’on revoie sans cesse, filmés sous des angles légèrement différents : l’appartement de Martine à côté de la boulangerie de son mari, sa cuisine où se retrouvent régulièrement les protagonistes, la maison de Walter, le sous-bois à champignons, la cure de Philippe….