Pour son premier film, le jeune Said Belktibia nous gratifie d’une œuvre qui dénote vraiment dans le paysage cinématographique français. Un film qu’on pourrait qualifier d’OFNI (Objet Filmique Non Identifié). Une bizarrerie qui demeure pourtant et paradoxalement très accessible, c’est-à-dire que n’importe quel spectateur qui aime les films de genre et les thrillers pourrait apprécier. Ce que l’on entend par là, c’est qu’en dépit de l’étrangeté de la chose, on n’est pas dans du film d’auteur, du cinéma expérimental ni même dans un domaine si particulier qu’il ne touchera que quelques personnes. Sa singularité vient plutôt du fait qu’il investit de manière très contemporaine, de nos jours donc, un domaine qu’on croyait faire partie du passé, en l’occurrence la sorcellerie et le vaudou. Et « Roqya » choisit de traiter cela sous l’angle du film de traque en plus de situer l’action dans une cité HLM d’un quartier chaud de la banlieue parisienne, ce qui aboutit à mélange détonnant et inattendu.
On apprécie donc beaucoup l’audace d’une telle proposition et son originalité rafraîchissante quand bien même cette première œuvre n’est pas exempte de nombreuses maladresses propres aux premiers films justement. Il y a déjà cette première séquence à l’aéroport qui se termine de manière surprenante et incroyable mais qui semble n’avoir aucune utilité pour le reste du récit et de l’intrigue si ce n’est de faire joli. Ensuite, la manière dont la traque commence et les raisons pour lesquelles le personnage principal subit un lynchage est un peu poussive et peu crédible. Pareillement, le final dans la clinique de marabouts se présente comme bien trop facile pour elle et donc, encore une fois, peu crédible. Il y a également quelques séquences bizarres pour rien et un sentiment étrange qui s’en dégage. Enfin, « Roqya » souffre de n’avoir aucun personnage sympathique auquel on a envie de s’identifier si ce n’est le gamin. Et encore... Le cinéaste ne parvient jamais à faire paraître son héroïne autrement qu’antipathique et égoiste.
Malgré cela, le film est plutôt haletant et captivant tout du long, sans baisse de rythme et il nous plonge dans un microcosme vraiment unique. En outre, on met ici le doigt sur certaines croyances archaïques au sein des cités de la part de certaines populations qui font vraiment peur en 2024... Ça pue le réalisme et c’est bien de mettre le doigt dessus tout comme la manière dont les réseaux sociaux deviennent des tribunaux publics pour ramollis du bulbe et fanatiques. Ensuite, sur le versant du film de traque en cité, « Roqya » excelle dans des courses-poursuite vraiment haletantes et bien filmées (pas forcément belles plastiquement mais très énergiques). Le film nous plonge dans les bas-fonds d’une cité (la scène dans les caves est effroyable) avec brio et optimise parfaitement son décor peu commun pour un tel sujet. Au final, un sympathique mais parfois maladroit film de genre à tendance horrifique comme on n’en voit jamais en France. Rien que pour ça...
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