Ladj Ly : volet 2
Ces 100 minutes constituent le 2ème film de Ladj Ly qui, en 2019, avait frappé très fort avec Les Misérables. – 15 récompenses, dont 4 César et 5 récompenses à Cannes -.Question cruciale : cette acte II va-t-il rencontrer le même succès ? Haby, jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l'immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5.Je vous fiche mon billet, que Ladj Ly devrait marquer notre cinéma avec sa manière bien à lui de dénoncer l’absurdité et l’injustice de notre société. Ici encore, mission pleinement réussie.
Cette fois, il tente d’expérience du film choral qui explore des histoires dans l’histoire, de la trajectoire de ce maire à celle d’une militante associative, de son ami ou du maire adjoint. C’est parfaitement maîtrisé grâce à un rythme très soutenu, une caméra virtuose, un montage au cordeau et une interprétation remarquable – j’y reviens dans un instant -. Le constat politique est limpide : il est temps de repenser les choses en cherchant des pistes, de nouveaux moyens de faire, mouvement de fond symbolisé par la jeune militante locale face à l’immobilisme et l’aveuglement d’une politique de droite dure qui détient encore le pouvoir mais ne comprend plus rien à notre monde. Le cinéaste a vécu dans sa jeunesse à Montfermeil ce type de plan de rénovation urbaine qui relevait purement et simplement d’une immense arnaque financière et morale. Cette fois, le scénario laisse une large place aux femmes, qui, à l’instar de son héroïne, insuffle un peu d’espoir dans toute cette grisaille. Je le répète, Ladj Ly ne déçoit pas avec ce 2ème long métrage dont le propos très fort et d’actualité sait éviter le manichéisme et la caricature. Ça sonne vrai et juste.
En haut de l’affiche, une quasi débutante, la jeune Anta Diaw, à laquelle on peut prédire une belle carrière – peut-être couronnée par un César en 2024 -. On retrouve l’impeccable Alexis Manenti, - à l’affiche également dans Le ravissement -, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu, Aurélia Petit, Jeanne Balibar, et une foule de petits rôles et figurants venus de cette France des quartiers oubliés de la République. Ladj Ly savait qu’après le choc des Misérables, ce deuxième film allait être scruté, sans doute plus qu’un autre. Tout en conservant ses problématiques, il a su se renouveler, dans l’approche et la forme plus ample, en prenant soin de ne condamner personne sans comprendre et analyser. Même si l’effet de surprise n’est plus là, ça reste de l’excellent cinéma politique. A voir !