Conte social
La liste des films signés par Gilles Perret nous en dit long sur son inclination pour le film politique engagé : Debout les femmes, J’veux du soleil, L’insoumis, La Sociale… et j’en oublie. Pour ces 107 minutes de comédie dramatique, il ne se contente pas de réaliser, il est aussi scénariste, dialoguiste, monteur et directeur de la photo… Comme son père avant lui, Cédric travaille dans une entreprise de mécanique de précision en Haute-Savoie. L'usine doit être de nouveau cédée à un fonds d’investissement. Epuisés d’avoir à dépendre de spéculateurs cyniques, Cédric et ses amis d'enfance tentent l'impossible : racheter l’usine en se faisant passer pour des financiers ! Et comme souvent avec ce cinéaste c’est une vrai réussite, peut-être même son meilleur film… à ce jour.
En vérité, c’est le 1er film de fiction de Gilles Perret. Jusque là il était connu et reconnu comme documentariste, - en particulier au côté de François Ruffin -, Pour une 1ère, c’est un coup de maître. Le fait d’avoir travaillé au tout début de sa vie professionnelle dans l’usine que l’on voit dans le film lui a, sans aucun doute, permis de se sentir plus à l’aise sur le plateau de tournage. Cette comédie dramatique évoque le cas d'une usine de décolletage, - technique d'usinage consistant à donner une forme précise à une pièce par enlèvement de matière -, où le réalisateur, à l'instar de ses parents, a travaillé dans sa jeunesse. Même si l’on pense à Ken Loach, le film se veut résolument optimiste car il tient à montrer qu’il existe en France une industrie performante. Le message est clair : si l'industrie est condamnée dans le pays, c'est en raison de décisions politiques irresponsables et de la voracité cynique des investisseurs. Pour la morale de cette histoire, je laisse la parole à Perret : de belles histoires peuvent exister lorsqu’on se rassemble. [...] Ce n’est pas par le désespoir qu’on donnera envie aux gens de se bouger.
Côté casting, là aussi, c’est un régal avec un Pierre Deladonchamp en pleine forme, Laetitia Dosch, toujours impeccable et les Grégory Montel, Finnegan Oldfield, Vincent Deniard, Marie Denarnaud, tous très justes. Et quel plaisir de revoir, même fugitivement Rufus et Jacques Bonnaffé sur un écran de cinéma ! Le sujet grave est traité avec humour et humanisme. Ce film sort en salle en plein milieu des conflits patrons / salariés qui agitent le pays. Cette reprise en main qui réenchante la lutte sociale, est galvanisante, même si mes compétences pour le moins limitées dans le domaine de la finance et des fonds de pension m’empêche de porter un jugement fiable sur les méandres du rachat d’entreprise tels qu’ils sont décrits dans ce film. Mais qu’importe, le principal n’est pas là. Pour moi, c’est le plaisir d’avoir vu un film bien écrit, bien joué et que je situerai volontiers entre Stéphane Brizé et l’immense Ken Loach ! Pas mal, non ?