Le monde d’après a toujours su captiver la foule, avide de nouer avec l’apocalypse, qui rime plus souvent avec l’effondrement de l’humanité que sa prospérité. Dans un autre type de voyage minimaliste, le duo de cinéastes Kristina Buozyte et Bruno Samper reviennent sur l’une de ses possibilités, qui bouleverserait le monde des vivants, comme le seraient « Les Fils de l'homme » d’Alfonso Cuarón ou encore « La Planète sauvage » de René Laloux. La génétique est confondue avec la technologie, en se nourrissant mutuellement. De même que la relation fusionnelle dans « Vanishing Waves », leur film précédent, entre un scientifique et son sujet dans le coma, le récit ouvre la porte des fantasmes et de la fascination. Il en découle ainsi une atmosphère sinistre, puisant jusque dans les codes de l’horreur pour des effets plus organiques et sensoriels.
C’est ainsi que l’on se plonge dans la terreur d’un monde hostile et déserté par les plus puissants. Mais il ne sera pas question d’établir l’état des lieux en nous dévoilant le contre-champ d’une vie boueuse et qui pourrait se passer d’une soupe aux vers. Au fur et à mesure que la caméra sillonne des sols peu fertiles, on joue sur un rapport d’échelle magnifique, où une jeune adolescente, Vesper (Raffiella Chapman), dévoile habilement les méandres de son quotidien. Ayant grandi sans la présence de faune et de flore tel que nous les connaissons aujourd’hui, elle aspire à s’élever vers les cieux, là où elle pourra enterrer son deuil, qu’elle couve depuis trop longtemps. Son indépendance est une force qu’elle met à profit pour son père (Richard Brake), paralysé, mais qui trouve accès à un réceptacle afin d’accompagner son enfant vers la maturité. La quête initiatique prend ainsi des allures de conte, à la photographie délicieuse, si bien que l’on parvient à économiser des effets numériques.
Dans cette démarche, c’est de la chair et du sang que l’on recherche et l’héroïne témoigne d’une grande sincérité à cet égard. L’imaginaire du spectateur est sollicité à de nombreuses reprises et la mise en scène confirme cette volonté de rythmer le récit par une profonde réflexion visuelle. De nouvelles créatures de la nature qui peuple cet univers montrent des crocs, mais également un aspect plus respectueux. Vesper accumulent alors autant de qualité qu’elle peut en avoir, en trébuchant sur certaines, dont l’espoir, celui qui entretient une forme de dépendance qu’elle sera amenée à dépasser. Des enfants perdus se baladent en forêt et l’espace de vie qu’on nous propose d’observer, notamment au détour d’un conflit de voisinage et intergénérationnel, regorge d’une tension folle, qui sème les graines d’une révolution. Bien entendu, il ne faut pas s’attendre à des interventions ultra-musclées et le climax confirmera le recul et l'intelligence de ses personnages, à ne pas confondre avec une nonchalance abusive.
La note d’intention est posée avec une audace plus que bienvenue, à l’heure où l’appétit pour le genre de la science-fiction se perd dans sa cohérence, au profit de cadeaux empoisonnés, ne servant qu’à conditionner le spectateur. Avec « Vesper Chronicles », pas question de se contenter de la même recette, malgré un budget évidemment limité, mais qui n’a pas à bouder concernant sa fable artisanale. Les enjeux humains rejoignent ainsi ceux d’une nature qui mute pour sa survie. Et au bout du voyage, il ne restera qu’un regard vers l’horizon pour enfin espérer une rédemption de l’humanité, dans un élan solidaire et tout de même miraculeux.