Aimant le personnage antique d’Ulysse dans l'Odyssée d'Homère, Damien Odoul a conçu Théo et les métamorphoses comme une odyssée en huis clos, mais aussi une utopie réaliste faite d’hallucinations, de décalages et de résilience, dans laquelle l’inconscient joue un rôle primordial. Le cinéaste développe :
"L’utopie, ça résume tout. C’est tout ce qui convoque l’imaginaire. On a besoin de savoir qu’il y a encore des hommes, des femmes, des jeunes gens, et des personnes âgées, qui croient toujours en l’utopie, afin que la poésie, par exemple, ait à nouveau toute sa place dans notre société."
"Donc ce film est réalisé avec cette aspiration, celle de croire qu’il peut toujours y avoir des renaissances dans les périodes troubles, complexes et lourdes que nous vivons actuellement. Voilà, Théo et les métamorphoses, c’est une proposition qui présente un autre monde."
"C’est un film très politique finalement parce qu’il est éthique, mais, paradoxalement, la politique n’est jamais frontalement évoquée. J’expérimente encore et toujours avec ce nouveau film. Je travaille aussi la notion de la liberté, évidemment avec un héros qui me ressemble, c’est-à-dire qui est inadapté à notre monde actuel."
Au départ le titre du film était To, comme le personnage principal qui s’invente et se renomme, passant de Théo à To. Puis, Damien Odoul a pensé à Théo et les utopies pour aboutir à Théo et les métamorphoses, pour souligner cette idée de transformation. Il précise :
"Avant tout, mon film parle de la façon dont un être est au monde et de quelles manières il prend le risque de changer, de se métamorphoser. Et puis j’aime le mot métamorphose, c’est un mot visuel et souple. Peu utilisé au cinéma, on l’emploie plus volontiers en littérature."
Théo et les métamorphoses est structuré en chapitres titrés, musicaux et dessinés. Il s'agit d'une scansion inspirée par une musique indienne, le râga, que Damien Odoul écoute depuis trente ans. C'est la première fois qu'il l’utilise dans un film :
"Le râga est comme une parenthèse qui s’ouvre et se ferme. Il y a le râga du matin, et le râga du soir. C’est un rapport au temps qui convenait parfaitement pour marquer l’évolution du récit du film. Et les voix de cette musique râga, ce sont donc des chants indiens qui fonctionnent comme des percussions vocales, dans une sorte d’improvisation."
A l'origine, un certain Kostia Botkine, qui est un garçon trisomique, devait jouer Théo. Finalement, il n'a pas pu prendre part au film, mais a créé les dessins qui illustrent les titres des chapitres. Damien Odoul a ensuite rencontré Théo Kermel, qui est lui aussi trisomique : "Il se trouve qu’il est comédien. Il fait du théâtre. Il est empreint de ça. Il adore", confie le réalisateur.
Le personnage de Théo s’inscrit dans la tradition des héros des précédents films de Damien Odoul, qu'il appelle "les simples", en hommage à leur rapport direct et réel à la vie. Le metteur en scène précise : "J’ai tourné avec La Folle parade, un de mes documentaires, pendant trois ans avec des handicapés mentaux en Lozère."
"Mon acteur 'le Stéph' que j’appelle le simple en friche, était dans Richard O, et dans En attendant le déluge. Le simple, c’est une figure récurrente de mon cinéma, en fait, puisque c’est moi ! Si j’ai un double, il est là. C’est profond, à plus de cinquante ans, je m’imagine toujours ainsi. Cela vient de m’être senti très très isolé dès la petite enfance."
Le film se déroule majoritairement en milieu naturel, au coeur de la moyenne montagne. Damien Odoul voulait ne rien montrer de notre civilisation capitaliste et citadine. Le cinéaste développe : "Aujourd’hui la ville m’est étrangère au plus haut point, de même pour certaines campagnes. Il y a des campagnes avec lesquelles je n’ai plus du tout d’affinité."
"C’est pour moi un lieu assimilable à l’univers de la poésie chinoise et de la philosophie taoïste, et même à la peinture chinoise du 8ème siècle dont les peintres vivaient en exil dans des provinces isolées. Que ce soit dans cette poésie ou la calligraphie, ou le dessin, il y a ce rapport permanent à la nature et en particulier à l’arbre, le pin, mais aussi au rocher. J’ai une fascination pour ça."