« Ils ne se battraient sûrement pas dans la rivière. S’ils avaient leur espace vital. »
En même temps qu’il dirigeait The Outsiders, adapté d’un roman de Susan Eloise Hinton, Francis Ford Coppola écrivait et a commencé à réaliser ce Rusty James/Rumble Fish, tiré également d’un roman de S.E. Hinton, avec l’aide de l’autrice. Dirigeant les deux films en parallèle, le réalisateur les situe au même endroit, Tusla, avec une distribution partiellement commune : Matt Dillon, Diane Lane, Tom Waits, Glenn Withrow, auxquel·les s’ajoutent Mickey Rourke, Nicolas Cage, Denis Hopper, Chris Penn, Vincent Spano et Laurence Fishburne. Les deux racontent les histoires d’une fratrie désoeuvrée et délinquante. Ici encore, Coppola engage sa famille : Sofia, Gian-Carlo, Roman, ses enfants, et Nicolas Cage, son neveu.
On notera cependant une première différence dans la dénomination des personnages principaux : dans The Outsiders, ils portaient un nom complet et un surnom alors qu’ici ils n’ont que leur surnom ou leur prénom. Le style, lui, est radicalement différent : The Outsiders était une commande et sa narration est assez classique, presque académique et de haute volée ; Rusty James tient plus du film expérimental, inspiré par le cinéma expressionniste d’avant-guerre et par la Nouvelle Vague française qui a enrichi le New Hollywood dont Coppola est l’un des fondateurs avec George Lucas, Steven Spielberg, Brian De Palma et Martin Scorsese. La musique n’est plus signée par le père, Carmine, et ne reprend plus des standards d’époque mais est composée par Stewart Copeland, le batteur de Police. Le son, enfin, subit les mêmes distorsions que les images, brouillé lorsque l’image est saturée, en écho lorsqu’elle propose un relief avec une ligne de fuite vertigineuse, par exemple.
Rusty James/Rumble Fish est enfin un parcours identitaire et une formidable parabole sociale, comme la face B d’un même album dont The Outsiders serait la face A, chacun mettant en situation des personnages assez similaires, dans un endroit identique mais réagissant différemment et captés de deux façons complémentaires. Deux variations sur le même thème qui illustrent la maestria de Francis Ford Coppola.