Tres bon film sur un sujet qui n'est certes pas nouveau - la participation de l'empire colonial à la grande guerre - mais que Mathieu Vadepied trouve à décliner en une multitude de sous thèmes de façon originale : le thème principal d'abord avec ce père (Omar Sy) qui s'enrôle dans l'armée pour y protéger son fils Thierno ( Alassane Diang) , à peine sorti de l'adolescence, qui se retrouve sur le front en 1917 sans rien connaître à la vie; le milieu des tirailleurs ensuite qui est un monde en soit, polyglotte, pas toujours solidaire, oú se côtoient toutes les ethnies et tous les profils, sorte de melting pot qui n'a rien d'évident entre couleurs de peau, officiers, sous-officiers et hommes du rang; l'esprit enfin qui est très peu héroïque car partout la résignation et la peur dominent, avec la tentation de fuir malgré les risques.
Le film est bien documenté et il fonde son propos sur une histoire solidement établie.
Ceux qui s'attendent à des scènes spectaculaires de combats, "grand angle", type "1917" (2019) ou "A l'Ouest rien de nouveau" (2022), seront déçus car le film réduit sa focale sur le sujet central qui colle à une zone de guerre très limitée, la prise d'une colline qu'on aperçoit à peine dans le brouillard... La guerre est vue au travers du regard des soldats au front qui ne voient pas autre chose que les lignes de combats derrière des barbelés...
La faiblesse des moyens se fait tout de même un peu sentir (budget de 11 millions de dollars, la moitié du budget de "Indigènes" en 2006 et 56 pour "un dimanche de fiançailles" ou encore 90 millions pour "1917" de Sam Mendes ou 100 pour "Dunkerque") mais le sens de l'histoire qui porte le film le permet sans nuire trop à l'ensemble. L'idée maîtresse c'est la volonté du père de sauver sa peau et celle de son fils d'un conflit où les Africains se sentent peu concernés et l'autre idée, en contrepoint, c'est que le fils ressent, lui, l'appel du combat, qu'il est sensible au code de l'honneur, à la fraternité d'armes. Surtout ce conflit l'émancipe de la tutelle du père, lui qui n'a jamais bu une seule goutte d'alcool, ni regardé une femme, encore moins si elle est européenne.
Cette mixité entre Africains et Français qui ne faisait pas scandale à l'époque choqua profondément les Américains arrivés au front également en 1917 ... Elle irrita surtout les Allemands qui ne cesseront de la dénoncer après guerre comme un avilissement de la culture française ... c'est tout de même à rappeler .
En définitive, un très bon film où Omar Sy, contrairement à ce que j'ai lu, n'est nullement décevant ...
De cet horrible conflit qui va précipiter le déclin de l'Europe, un tirailleur sur six n'est pas revenu chez lui, comme les poilus de la métropole d'ailleurs. Bel hommage à leur rendre, à tous.