On n'a pas vu le même film que la grande majorité qui adule ce The Whale. Pour nous, sans mauvais jeu de mots, The Whale n'a aucune finesse. Alors oui, on s'accorde tout de même sur le triomphe de Brendan Fraser, qui revient sur grand écran après une longue traversée du désert jamais méritée, qui endosse un pénible costume de 50 kilos et doit interpréter son personnage au front trempé en permanence, qui doit arriver à transmettre des émotions en étant forcé à la position assise... Un rôle compliqué, qui est notre seul rayon de soleil dans cette pièce réduite au filtre gris terne (on sent la pièce de théâtre à chaque seconde), où l'on assiste à la déchéance d'un homme atteint d'obésité morbide. On va harponner directement la baleine dans la pièce (à ce stade, ce n'est plus un éléphant) : rien dans ce drame n'est subtil, tout nous est beuglé au visage ("Je suis un monstre, dites-le, mais dites-le ! Je suis un monstre !!!" et autres "Je suis répugnant !!!", message du film : check.), les personnages ne sont pas creusés (la gamine qui est méchante - et insupportable - et n'évolue pas), l'émotion est forcée (résultat : on s'est ennuyé dans les moments qui nous tendent les mouchoirs) et surtout : le costume de "personne obèse" est mal fait. Jamais on n'a vu autre chose que Brendan Fraser qui porte une prothèse au niveau du cou et un faux-ventre, le tout animé numériquement (et ça se voit vraiment), un personnage dans lequel on n'a jamais pu croire. L'écriture du personnage manque aussi d'élégance, avec cette lecture de Moby Dick qui le calme (oui, on a tous compris le parallèle avec la baleine accablée, mais on va quand même nous l'expliquer au début du film, et on va nous le répéter à la fin... "Balourd" n'est même plus un adjectif suffisant). Une fin qui nous rappellera d'ailleurs qu'Aronofsky aime bien les images mystiques très littérales. Enfin, on a eu une petite pensée pour les personnes en surpoids face au message casse-gueule sur l'obésité (le rapport excessif à la nourriture, la façon dont il mange est celle d'un animal et le déshumanise - une image qui n'était pas nécessaire pour nous faire comprendre qu'il se dévalorise -, son désamour obsessionnel qui, mal interprété, passera pour une généralité sur les personnes en surpoids). Évidemment, le propos du film n'était pas de généraliser, mais sa rengaine de martyr par le surpoids prend trop de temps d'écran, est une obscure obsession du scénario qui avait pourtant d'autres sujets à explorer, qui restent en suspens. Le corps est ici le résultat d'un malêtre profond, ancien, dont on sait finalement peu de chose (on ne comprend même pas de quoi souffrait exactement
l'ex-conjoint suicidé
, d'anorexie ? Une maladie incurable, cancer ?). Pour faire un parallèle explicite, c'est comme si The Wrestler (notre coup de cœur chez Aronofsky) passait 2h à nous faire des gros plans sur les fractures de son catcheur, en répétant en boucle combien les cicatrices sont laides. Heureusement qu'à l'époque Aronofsky s'était rappelé que ce qui nous intéresse, ce n'est pas la gueule de son personnage, mais son histoire. On se résigne donc à s'installer parmi la minorité qui n'acclame pas ce film aux intentions placardées, au costume qui fait faux, à l'émotion forcée, à la gamine tête-à-claques, et à la mise en scène gorgée de prétention. Seulement, bravo à Brendan Fraser qui revient avec les honneurs, et on a déjà hâte de le revoir dans un film dont la mise en scène sera moins lourde que son personnage.