Un très mauvais film pour un très beau sujet. Quel dommage !
Tout sonne faux dans ce film. Le magnifique décor de Versailles semble n’être ici qu’un prétexte pour un exercice de narcissisme, dans lequel Maïwenn, réalisatrice, scénariste et actrice principale, aurait projeté ses propres fantasmes au lieu de chercher à incarner la véritable Jeanne du Barry.
Pour un spectateur ayant un peu de culture historique et un minimum de discernement critique, ce film est insupportable, en premier lieu en raison de cette autolâtrie qui paraît avoir présidé à sa conception. De cette faute originelle découlent ses autres défauts majeurs : la vision caricaturale qu’il nous propose des personnages et de la cour de Louis XV, et la désinvolture confinant à fatuité avec laquelle il s’affranchit de toute vraisemblance, et donc de toute crédibilité.
Le thème était ambitieux ; il exigeait des scénaristes ayant le sens de la nuance et une bonne connaissance de l’époque, ainsi que de grands acteurs capables de se mettre au service de leurs personnages. Or, c’est tout le contraire qui se passe dans ce film : à aucun moment on n’y voit Jeanne du Barry ou Louis XV ; à aucun moment on ne se sent transporté deux siècles et demi en arrière à la cour de Versailles. Deux heures durant, on assiste à une parodie sans grâce ni inspiration, à un pathétique numéro d’acteurs, où plutôt de « people », plaqué sur un décor factice.
Maïwenn s’y est réservée la place prépondérante, occupant l’écran quasiment sans interruption, tantôt échevelée, tantôt déguisée, magnifique incarnation de soi-même, mais bien loin de la véritable du Barry. Dédaignant d’aller chercher dans l’Histoire la véritable personnalité de cette femme cultivée, intelligente, généreuse, grande mécène protectrice des arts, elle s’est contentée d’interroger son miroir. « Miroir, suis-je toujours la plus belle ? » Qu’elle se rassure : oui, elle est toujours belle, et comédienne de talent de surcroît, à condition qu’elle ne s’impose pas de jouer un rôle de composition trop éloigné de son univers - ce qui est le cas dans ce film, où elle nous propose l’image réductrice, répétitive et donc lassante d’une simple sauvageonne exaltée et transgressive.
Même erreur impardonnable pour le choix de Johnny Depp, qui joue laborieusement un Louis XV improbable et comme absent, sorte de fantoche à l’élocution pâteuse qui semble avoir abusé des sédatifs, là encore à mille lieues du véritable souverain. Quant à la cour, elle se résume quasiment dans le film aux trois filles de Louis XV, qui là aussi font l’objet d’une caricature grossière et bien facile.
Les seules exception notables à ce consternant tableau sont La Borde, premier valet de chambre du roi, superbement incarné par Benjamin Lavernhe, et le duc de Richelieu, rôle mineur, mais dans lequel Pierre Richard nous offre une magnifique composition.
En résumé, à mon avis, Jeanne du Barry est un film exemplaire dans la catégorie du mauvais Biopic historique. Si au moins il était divertissant… Mais personnellement, j’ai eu du mal à le regarder jusqu’au bout car je l’ai trouvé terriblement ennuyeux, tant il est prévisible et cousu de fil blanc. Si je n’ai pas quitté la salle, c’est que je me suis astreinte à boire la coupe jusqu’à la lie. Et sur ce point, hélas, je n’ai pas été déçue car il culmine dans le pathos le plus grotesque et le plus invraisemblable, que je ne vous dévoilerai pas pour ne pas me rendre coupable de « spoiler ».
En conclusion, force est de constater qu’un budget pharaonique (22,4 millions de dollars) et un casting spectaculaire ne suffit pas à faire un bon film historique. Regardez, par exemple, L’échange des princesses (9,5 millions d’euros de budget) et la différence vous sautera aux yeux.
Moralité : l’argent ne fait pas le bonheur des cinéphiles, car il ne peut remplacer la créativité et le talent.