Après l'avoir laissé empêtré dans le ridicule impardonnable de "The Predator" (2018) commis par un Shane Black en roue libre, on commençait à croire que l'heure d'une retraite bien méritée était venue pour l'alien à draides le plus célèbre du cosmos, ses divers safaris interstellaires contre humains ou xénomorphes n'ayant guère convaincu au cinéma depuis le film culte de John McTiernan et sa sympathique suite sorti trois ans plus tard. Mais le chasseur extraterrestre a la peau dure, un représentant de son espèce refait aujourd'hui son apparition à la fois par la brèche historique instaurée à la fin de "Predator 2" et par la petite porte de Disney + (enfin Hulu plus précisément) bien loin du grand écran lui ayant offert ses heures de gloire, comme une sorte d'ultime chance de réhabiliter l'alien masqué dont la popularité reste miraculeusement intacte malgré les faux-pas et les années.
1719, sur des terres comanches, la jeune Naru tente de démontrer ses qualités de chasseuse auprès des membres masculins de sa tribu. L'arrivée d'un Predator aux alentours va évidemment lui donner une occasion en or de prouver sa valeur...
Il le fallait, revenir à l'esprit primaire d'un véritable survival, avec un affrontement en plein nature remettant au cœur des enjeux les notions de chasseur et de proie si chères à la race des Predator, était la meilleure direction possible pour espérer renouer avec l'essence même de la première et plus marquante apparition de la créature au cinéma.
On le savait, les Predator sont adeptes du tourisme sur Terre depuis des siècles et l'idée d'en envoyer un se frotter avec sa technologie futuriste à une tribu amérindienne aux talents de chasse ancestraux était sacrément alléchante sur le papier.
On l'espérait, avec Dan Trachtenberg, que l'on n'avait pas revu à la mise en scène d'un film depuis l'étonnant "10 Cloverfied Lane" (il a tout de même réalisé le premier épisode de la série "The Boys"), et tous ces éléments prometteurs, la surprise d'un vrai bon film Predator était possible, d'autant que les bandes-annonces continuaient d'aller le bon sens de nos attentes. Et devinez quoi ? Avec la complicité de Patrick Aison au scénario, le bonhomme l'a fait : "Prey" est clairement le meilleur film Predator depuis "Predator 2" !
Passons sur les défauts de l'entreprise, avec ses contours scénaristiques parfois trop basiques et une violence qui aurait gagné à envahir l'écran de façon bien plus bestiale (trop de choses sont laissées dans le flou des arrières-plans ou du hors-champ), et réjouissons-nous plutôt des qualités de cette partie de chasse prédatorienne au sein des fondations violentes de l'Amérique.
Alors que, dans l'ombre de quelques apparitions imposant déjà sa menace, le Predator assoit justement son statut de prédateur ultime sur la faune locale, "Prey" prend le temps de nous immerger avec authenticité dans la tribu de sa future adversaire. Rien n'est d'ailleurs anodin dans les scènes de ce quotidien comanche: la dextérité, la détermination et les rêves d'émancipation guerrière de Naru (excellente Amber Midthunder) se dévoilent bien sûr à travers ses rapports avec ses proches (la relation avec son frère, entre respect mutuel et poids des traditions, est une réussite), mais "Prey" prend également le temps d'installer avec parcimonie des éléments de ce cadre qui auront une importance cruciale dans la suite des événements. Et la mise en scène de Trachtenberg, la superbe photo aux teintes automnales de Jeff Cutter ou encore les musiques signées Sarah Schachner nous transportent aisément dans l'ambiance de cette époque où un extraterrestre à la technologie anachronique a décidé de venir chambouler l'ordre naturel des choses.
Car, après avoir fait joujou avec les animaux jusqu'à une fameuse grosse bête poilue, le Predator va bien entendu se frotter à l'Homme et devenir à lui tout seul le symbole d'un envahisseur inarrêtable faisant parfaitement miroir aux tourments civilisationnels de cette époque au fur et à mesure que son spectre de personnages s'élargit.
Dès lors, le combat n'en sera que plus jouissif et haletant, l'alien ne cessant de multiplier les coups d'éclat sanguinaires de façon exponentielle, avec la mise en avant particulièrement bien pensée de ses différences technologiques (et même morphologiques, la bête est magnifique de laideur !) vis-à-vis de ses collègues modernes, tout en faisant monter en puissance les capacités ingénieuses de sa némésis de circonstances dans un jeu du chat et de la souris aux visages changeants. À ce titre, les rebondissements du face-à-face final entre la Belle et la Bête seront le meilleur hommage que l'on pouvait imaginer à celui du premier film, en obligeant astucieusement une nouvelle fois les adversaires à aller puiser jusqu'au bout de leurs talents respectifs pour prendre l'ascendant l'un sur l'autre.
Au crépuscule de son superbe générique de fin, on réalisera à notre grand dam que cette nouvelle chasse brutale du Predator aura filé à la vitesse de l'éclair, nous laissant déjà clairement avec l'envie d'en voir plus. Autant dire que cela faisait très longtemps qu'un film Predator ne nous avait pas laissé sur une si belle impression.
En lui redonnant ses lettres de noblesse après des années d'errance, Dan Trachtenberg est en passe de devenir la gueule de porte-bonheur contemporaine de la franchise.