Après 30 ans et je ne sais combien de suites foirées et de spin-off foireux, la dernière lueur d'espoir pour les fans du Predator, c'était sa disparition pure et simple des écrans. Aussi, quand le projet d'un énième volet (d'abord titré Skulls) fut annoncé par Disney, il fut accueilli par de longs soupirs. "On revient aux sources" ? Les précédents ont dit ça aussi puis on les a vus. Retournement de situation, cette fois-ci c'est vrai.
Moins de budget (à vue d'œil, 20 ou 30 millions $), pas de sortie cinéma ; Prey la joue profil bas. Il est pourtant la seule suite valable après Predator 2 du classique indémodable signé McTiernan. Le retour en arrière était un indice, le match entre une comanche et le chasseur venu d'ailleurs forme une boucle parfaite. Oui, pour ceux qui n'y verrait qu'un stratagème bien de son époque, merci de revoir le premier dans son ironie (un alien à face de vagin qui débite du gros bras reagannien, vous l'avez ?).
Au lieu de reprendre l'original sans le talent (Predators, au hasard), Dan Trachtenberg choisit d'en reprendre simplement la grammaire. La forme est éthérée, en ligne droite (1h30 et générique). Et on revient à un film de chasseurs au pluriel. L'époque s'y prédispose, 1815 au Nouveau-Monde, c'est surtout la chasse ouverte pour gagner/conserver des territoires. Un terrain idyllique pour un traqueur hors-pair cimme le Predator ? Oui et non.
Le retour à une narration plus minérale fait beaucoup de bien. Elle s'accorde naturellement avec le ton plus sauvage de cette ère. Ça ne cherche pas bien loin mais au moins on évite les dialogues inutiles. Plusieurs séquences d'affrontements valent leur pesant d'or : un massacre en plein brouillard, une confrontation de jour en plan-séquence (The Revenant, es-tu là ?). On verse quelques hectolitres de sang (en grande partie numérique) mais Trachtenberg ne s'attarde pas. Le contexte historique lui a mis une idée derrière la tête. Elle sera à double-tranchant.
La note d'intention du long-métrage semble arriver à mi-parcours, alors que l'héroïne se retrouve en facheuse posture chez des intrus fort peu amicaux. Il ne faut pas longtemps pour voir dans ses geoliers la vraie menace de Prey. Jusque-là, même notre rasta-tueur n'était jamais traité comme une source d'inquiétude, une curiosité à la rigueur. Un problème, tout près de sauter à ce moment. Hélas, le film n'entend pas déroger à ce qu'on attend d'un Predator. L'esquisse d'une piste exaltante se referme, et on fait un pas en arrière.
Invisible sur les 3/4 du premier Predator, la bestiole hantait pourtant chaque scène. John McTiernan cloitrait sa troupe dans une jungle irréelle, jouait du cadre gigantesque pour tromper, utilisait le design sonore pour faire claquer des dents. L'ennemi était là et on avait vraiment pas envie de tomber dessus. Si Dan Trachtenberg traite l'icône avec respect, elle n'est jamais motif de terreur, y compris dans son moment de gloire lors d'une lutte animale dans un lac. Retourner sur un schéma plus classique sur ce plan déçoit légèrement.
Légèrement, parce que le duel reste efficace et s'agrémente d'une bonne dose de malice.
Sur le terrain du survival, seul l'hallucinant Apocalypto est parvenu à taper aussi fort après Predator. Ça n'enlève rien aux qualités indéniables du second volet, et de ce petit Prey. Comme quoi, avec moins on arrive parfois à plus. Revenir à l'essence, c'était la promesse routinière. Pour une fois qu'elle est tenue, on peut être bienveillant.