Légende historique ou histoire légendée ?
Ce drame historique – voir mon sous-titre qui laisse planer le doute -, est le 1er film de Damien Ounouri et Adila Bendimerad. Un film algérien, tourné en Algérie ? C’est tellement rare, que ces 110 minutes me paraissaient incontournables. Algérie, 1516. Le pirate Aroudj Barberousse libère Alger de la tyrannie des Espagnols et prend le pouvoir sur le royaume. Selon la rumeur, il aurait assassiné le roi Salim Toumi, malgré leur alliance. Contre toute attente, une femme va lui tenir tête : la reine Zaphira. Entre histoire et légende, le parcours de cette femme raconte un combat, des bouleversements personnels et politiques endurés pour le bien d'Alger. Fresque majestueuse, ampleur romanesque classicisme éclatant, tout est réuni, ici, pour un grand film. Tout est beau, - trop peut-être -, mais, pour moi, cette esthétisation à tout prix ajoutée à une interprétation surannée, a fini par gâcher le plaisir que j’avais de voir cette vraie curiosité. Mais cela n’engage que votre modeste serviteur.
Découvrir que les capitaux pour réaliser ce film viennent à la fois d’Algérie, de France, d’Arabie Saoudite, de Taïwan et du Qatar, prouve, s’il en est besoin, qu’il est bien difficile aujourd’hui de créer dans ce pays du Maghreb. C'est par le biais d'un livre sur l’Algérie et ses personnages célèbres que les réalisateurs ont découvert Zaphira, l’épouse d’un roi, dont l’histoire oscillait entre légende et réalité. Bon je suis loin de tout connaître de la Renaissance, alors, vous pensez, du 16ème siècle en Algérie !!! Donc, je suis bien incapable de démêler le vrai du faux dans cette histoire de complot, de trahison, de lutte de pouvoir… ce qui est captivant, c’est le rôle des femmes dans cette intrigue pour le moins embrouillée. Glorifier cette reine Zaphira, dont l’existence même est systématiquement remise en question… on se demande vraiment pourquoi, relevait de la gageure dans un pays musulman. Ce film est un manifeste qui a le courage de mettre au centre d’une fiction une femme qui s’avère plus forte que les hommes. De plus, l'équipe a pu tourner sur et dans de véritables sites historiques, palais, mosquées, datant de plusieurs siècles et de montrer ainsi la richesse de ce qu’il reste du patrimoine algérien. Les costumes, les accessoires, les décors sont d’un raffinement inouï et la musique des Frères Galpérine offre un bel écrin sonore à cette fresque épique. Mais voilà, trop c’est trop et cette avalanche de richesses, d’ors, de brocards, de bijoux finit par ensevelir l’histoire elle-même, sans parler de la complaisance affichée dès que le sang coule – et croyez moi, il en coule -, à grands coups de ralentis, de gros plans, de poses outrancières et de roulements d’yeux. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne meurt pas sobrement dans le royaume de la reine Zaphira.
Aussi, les Adila Bendimerad, - très belle -, Dali Benssalah, - très cruel -, Mohamed Tahar Zaoui, Imen Noël et la française Nadia Tereszkiewicz, - tout juste sortie des Amandiers et de Mon Crime -, nous offrent un festival de jeu ampoulé, outré, boursoufflé comme on n’ose plus imaginer aujourd’hui. D’accord, c’est un parti pris, mais il m’a beaucoup dérangé. En conclusion, malgré des atouts indéniables, une ambition politique très courageuse, ce film reste une déception. Quel sera votre avis ? Ça m’intéresse.