Près de 20 ans après son premier long « Samouraïs », Giordano Gederlini a souvent passé du temps à la co-scénarisation (L’Envahisseur, Tueurs, Duelles, Les Misérables). Mais c’est avec une intime conviction qu’il revient à la barre d’un projet bien bâti et suffisamment ambitieux, afin qu’il apporte un vent de fraîcheur, à l’ouverture du festival Reims Polar. Le cinéaste offre alors des moments de pur thriller dans la lignée du précieux « Taken », avant qu’il ne revienne sur une base plus académique, prouvant qu’il est encore en rodage. Sa première partie a beau ne pas laisser retomber la tension, il n’échappe pas à un auto-sabotage, là où l’écriture dévoile autant ses coutures que ses fissures. Son récit de vengeance a donc de quoi plaire, dans la mesure où il accepte de ne pas greffer des enjeux secondaires fantômes, qui ne font que tordre l’intrigue et saccader le rythme.
Une balle se perd chez Leo Castaneda (Antonio de la Torre) et les drames s’enchaînent. C’est dans une double lecture du personnage et de la ville de Bruxelles qui l’a récemment accueilli que nous découvrons son passé, meurtri et habité par des larmes de sang. Le conducteur de métro n’aura évidemment plus rien de lambda dès qu’il s’agira de recoller les fragments d’une mémoire, qu’on aura habilement étouffée dans les premières minutes. Il est alors séduisant de se laisser balader « Entre la vie et la mort », en ramenant sur les rails un enfant perdu et en même temps loyal envers son paternel, tous deux éloignés depuis deux ans. Les visites impromptues et les quelques révélations flash donnent le ton et nous finissons par nous accrocher à des enjeux que le réalisateur ne semble pas savoir renouveler. Malgré quelques escales notamment dans la capitale belge, il ne restera que des os et si peu d’interrogations à se mettre sous la dent, une fois sorti de l’exposition.
Une narration se superpose alors à la quête de vengeance, mais elle ne fait qu’effleurer le propos. L’enquêtrice Virginie (Marine Vacth) épouse davantage l’aspect embarrassant du récit au lieu d’investir son âme torturée. Les contradictions avec son père ne mènent nulle part et feignent de contraster avec l’échec du héros déchu. Ce sont autant de maladresses qui ne permettent pas à Leo de prendre l’ascendant dans le voyage qu’il entreprend. Et les rares instants où la tension est captée avec une grande sobriété, elle disparaît aussitôt dans un flot d’incohérences ou de désillusions. Difficile donc d’évaluer avec précision la relation père-fils, qui s’embourbe dans une chasse à l’homme, où les forces de l’ordre locales n’auront jamais un coup d’avance sur Leo et sa détermination. Pour eux, il ne s’agira que d’une longue filature, que le protagoniste prolongera dans des confrontations parfois maîtrisées, mais jamais transcendantes. Chaque coup qu’il renvoie détonne, sans pour autant heurter le spectateur actif et attentif, que l’on tente de persuader par surprise et non par la chirurgie de la mise en scène.
Seul le segment du père nous interpelle, lui qui suffoque à l’idée de ne pas avoir pu offrir l’éternité à son fils. La seconde chance qu’on lui offre est brisée et il ne reste plus qu’à rempiler pour un ultime rodéo urbain, où les chantiers et autres structures empoisonnent la jeunesse triomphante. Tout n’est pas à jeter et voir l’interprète principal évoluer sur ce terrain inconfortable et réussir son ascension est déjà un luxe dont profite bien Gederlini. Et malgré le balisage du récit, ainsi que les caractérisations forcées des personnages secondaires, cette œuvre ne manque pas l’occasion de dégoupiller ses décharges d’adrénaline. Malheureusement, aucune chance pour qu’on en traîne des séquelles une fois sorti de la salle.