C’est un pur polar crépusculaire que nous propose Giordano Gerdelini, un polar sec et nerveux, filmé pied au plancher, sombre et violent. Il campe son intrigue dans un Bruxelles filmé sans aucun souci de carte postale, à peine voit-on l’Atomium dans quelques plans. Le Bruxelles de Gerdelini est fait de modestes appartements exigus, d’entrepôts abandonnés, de zones de fret désertes, le tout filmé sous un ciel plombé. La musique de Laurent Garnier, métallique et répétitive, colle parfaitement aux images et elle d’ailleurs très bien utilisée, donnant le rythme qui convient à cette histoire somme toute banale
de grand banditisme et de vengeance
. Les scènes d’actions sont assez courtes, hormis l’affrontement final qui dure un peu (trop) mais c’est presque la loi du genre. La violence n’est pas absente mais elle n’est pas complaisante, elle est dosée avec justesse. Le film n’oublie pas de faire sa place aux sentiments de Léo, qui vient de perdre un fils avec lequel, clairement, il n’arrivait plus à communiquer. Et puis il y a même quelques pointes d’humour, toutes petites mais efficaces (comme quand Léo déclare avoir quitté l’Espagne pour la Belgique pour « le climat et le championnat de foot »). Le film est avare en flash back, probablement pour conserver le plus longtemps possible le mystère qui entoure le personnage de Léo. Il y a malgré tout une scène d’ouverture assez intriguant, assez glaçante dont on ne comprend pas très bien d’emblée ni à quoi elle sert, ni dans quelle chronologie la situer. Dans la forme tout cela est rondement mené, avec efficacité et en nous offrant même de temps en temps des très beaux plans, une belle lumière, une belle photographie. Du casting, on retiendra surtout la performance d’Antonio de la Torre. Ceux qui lise ces critiques savent que, à plusieurs reprises, j’ai dit tout le bien que je pensais de cet acteur espagnol à l’occasion de « Que Dios nos perdonne » à « La isla Minima » en passant par « El Reino ». De la Torre joue avec beaucoup de retenue et de sobriété cet homme mystérieux et taiseux, porteur de secrets un peu trop lourds pour lui, très solitaire. Je suis un peu plus réservée sur le reste du casting en commençant par Marine Vacht, qui n’est pas totalement convaincante en jeune policière obstinée, un peu trop frêle peut-être. Quand à Olivier Gourmet, il n’a pas un rôle qui lui permet de donner libre court au talent qu’on lui connait, trop peu écrit et surtout pas très bien écrit. L’intrigue de « Entre la vie et la mort » (on comprend assez tard le pourquoi du titre) n’est pas très originale,
une histoire de braquage qui tourne mal, de père grillant la politesse à la police pour venger seul son fils
, rien de très nouveau sous le soleil du film noir, c’est clair ! Mais l’intrigue se tient, si on ferme les yeux sur deux trois bricoles : la fille immédiatement sous les ordres de son père-commissaire, ou encore un poste de conducteur de transports en commun tenu par un homme sujet à des migraines aussi violentes que brutales. Comme l’intrigue est simple, l’intérêt du scénario se situe plutôt ailleurs :
comment Léo va réussir à remonter aux commanditaires du braquage et surtout qui est vraiment ce conducteur de métro qui sait se battre, manie les armes avec aisance, dont le dossier Interpol est inaccessible ?
Sans être un polar monstrueux (contrairement aux films espagnols que j’ai cité plus haut, qui ont beaucoup plus de fond et de puissance), sans être un film noir du genre inoubliable, « Entre le Vie et la mort » est un moment de cinéma efficace et rondement mené, qui tient la promesse sans prétention qu’il nous fait avec sa bande annonce.