C’est la fin d’un mythe et la fin de la vie. Adam McKay (Succession, Vice, The Big Short) le dit et le répète avec son même sens aigu du montage. Envahi d’une très forte radicalité, son cinéma est à l’épreuve des débats politiques, qui flottent au-dessus des Etats-Unis républicains, toujours le dindon de la farce dans ses derniers films. Et il se donne à cœur joie de nous embarquer dans un nouveau récit, absurde, inspiré d’une histoire vraie, celle que l’on bride et celle dont on fuit les responsabilités. C’est de nouveau à travers le prisme d’un chaos jubilatoire, qu’il nous convainc de l’urgence, omniprésente, mais que dans le fond, les personnes de pouvoir, les autorités, la presse, tout le monde s’en fout royalement. Cynisme et déni sont édifiés, afin qu’ils se crashent avec plus de violence, à l’image de l’astéroïde en route pour mettre un terme à ce monde de fous.
L’astrologue doctorante Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) fait la découverte de ce monstre cosmique, prêt à s’abattre sur la Terre et ne reste qu’un peu plus de six mois pour agir. En tandem avec le docteur Randall Mindy (Leonardo DiCaprio), leur mission sera de persuader leur nation, voire le monde entier, à prendre conscience de la menace qui plane sur leur avenir. En s’arrêtant là, le postulat se superpose très bien avec l’arrivée de la récente pandémie, qui aura sans doute eu un impact dans la finition du script. Cela se ressent à plusieurs niveaux et ce film nous tombe du ciel, ou plutôt en streaming, pour faire le point sur une hiérarchie défectueuse, d’un manque d’écoute et de communication sidérante et d’une hystérie collective, que l’on cultive sur les chaînes d’information publique ou sur les réseaux sociaux. Le terrain de jeu est vaste pour McKay, mais ce n’est pas un souci pour ce dernier, qui préférera esquisser certains sujets afin de mieux appuyer son raisonnement.
On a démarré avec une tension franche, sans tergiverser dans le drame absolu, mais alors que l’on commence à franchir le seuil de la toute-puissance américaine, on nous laisse à la porte du bureau ovale, et mieux que ça, on taxe sous notre nez cette attente inimaginable. Mais scénario oblige, on finit par y entrer dans une ambiance jazzy et à la découverte d’une présidente (Meryl Streep) qui ne porte guère d’intérêt à cette problématique, au profit des polémiques mineures. Ce sera ainsi tout du long, au détour de courte insertion de séquences de vie, où la planète continue de tourner sur elle-même. Les scientifiques ne sont pas pris au sérieux et alors que l’on file peut-être vers une délivrance, un PDG (Mark Rylance) se présente comme la caricature parfaire d’une chimère entre Steve Jobs et Elon Musk. On en rira, jusqu’à ce que le dernier acte bascule dans l’effroi le plus total et c’est dans cette maîtrise des tonalités, que le réalisateur gagne à rendre ses arguments, déjà excessifs à souhait, encore plus pertinents.
Repêché par Netflix à la Paramount, « Don’t Look Up » n’est rien d’autre que le miroir d’une société, épuisée par ses contraintes, sa politique aseptisée et son ambiance condescendante. Les protagonistes sont à bout, en décalage avec les idées reçues, qui empoisonnent un libre-arbitre, faussement défendu et généreusement protesté. Du héros blanc raciste aux victimes féminines, toujours dans le collimateur et toujours dans l’ombre des véritables responsables, on se tord de rire et de douleur, comme nous rappeler le goût d’un malaise que l’on aurait dilué dans un sourire nais, sans personnalité et sans humanité. Tout le grand Hollywood est présent pour en témoigner et pour presser un peu plus fort sur des plaies ouvertes, en espérant que l’on finisse par se sentir impliqué, aussi bien dans cette parodie dramatique que de notre côté de l’écran.