Un pur chef d'œuvre, film-paranoia, aux atmosphères crépusculaires incroyablement réussies pour montrer l'envers du décor paradisiaque, l'ambiguïté de la relation entre la France et la Polynésie, la fin d'un monde où les politiques croient encore avoir du pouvoir alors qu'ils n'ont que l'impuissance. Dans ce petit théâtre faussement pacifique, si frictionnel qu'il est bluffant de réalisme (d'où le titre Pacifiction), Benoît Magimel règne en maître, monumental en représentant de l'Etat qui peu à peu sombre dans la paranoïa, réalise son impuissance et perd le contrôle, tout en se donnant l'illusion de l'avoir encore.
Un régal absolu en termes de jeu, de mise en scène, de dialogues (souvent improvisés), de personnages (entre personnages louches occidentaux et galerie de personnages autochtones sublimes, mention spéciale à Shanna), de décors (naturels et bâtiments), et d'intelligence des situations, de ce qui se joue à la fois pour les autorités administratives, les populations locales et le Pacifique en général, dans un grand jeu géopolitique mondial.
Chef d'œuvre qui emprunte des chemins peut-être jamais tracés au cinéma, réparti injustement bredouille de Cannes (où il aurait mérité au moins la Palme d'Or et le Prix d'interprétation masculine). Formidable.