(attention spoilers)
Le film est intéressant.
On retient d'abord l'ambiance, elle est parfaitement retranscrite : une France occupée par les Allemands durant la seconde guerre mondiale. Le début d'une infâme traque des Juifs où on les voit se faire chasser de chez eux, impuissant, depuis le seuil de nos portes voisines aux leurs. On retient ensuite ce déni qui a écrasé une grande partie de l'Europe. Déni et/ou volonté de fermer les yeux sur ce qui se passait devant les yeux de tous ; ces Juifs étaient soi-disant envoyés "travailler en Allemagne" mais il est clair que personne n'acceptait cette justification. Mais le lancement de l'intrigue est lent. Monsieur Haffmann voit le piège se refermer sur lui et on découvre la personnalité des deux autres personnages : François Mercier et sa femme. D'abord timides puis complètement absorbés par la convoitise que leur nouvelle vie offre, au détriment de leurs principes ; mais encore une fois l'intrigue se fait désirer. La routine sous l'Occupation s'installe : cacher Monsieur Haffmann, travailler, concevoir un enfant deviennent les principales préoccupations. Le rôle de cette dernière dans le film est d'ailleurs ambivalente. La Guerre n'a pas ravagé que le front mais aussi les corps et les consciences. Mercier est un personnage rongé de l'intérieur : blessé à une jambe, il ne peut pas s'engager dans la guerre et servir son pays ; sujet à des problèmes de fertilité, il ne peut pas offrir un enfant à sa femme. Le personnage en vient alors à demander à sa femme d'avoir un enfant avec monsieur Haffmann. Lorsque Mercier le verbalise, sa femme et le spectateur sont choqués par sa proposition insensé. On commence à cerner la folie du personnage. A ce moment là, le film paraît tordu et semble s'éloigner de l'intrigue qu'on nous promettait tant. Et pourtant la femme de Mercier rejoint monsieur Haffmann au sous-sol.. Mais au bout d'une heure (moitié du film), on apprend, après plusieurs de ces visites au sous-sol, dans la bouche de monsieur Haffmann, qu'il ne s'est jamais rien passé entre lui et Blanche Mercier. C'est comme avoir pris une grande inspiration après soixante minutes d'apnée ! On respire de nouveau, les personnages ne sont pas tombés dans la déshumanisation et la barbarie qu'offre le théâtre de la guerre. La mesure est de nouveau battue et le film se relance avec notamment l'arrivée des clients allemands dans l'histoire. Mercier s'enfonce dans son propre jeu, comme le dit sa femme : "Avant on avait rien, maintenant il veut tout". L'hypocrisie du personnage est sans limite : il se sert de son ancien patron pour confectionner des bijoux à la demande d'officiers allemands, on ne compte plus le nombre de fois où il affirme à sa femme faire tout cela pour elle, pour les "protéger". Et pourtant, c'est lui qui, après avoir bu plus que raison, agresse sa femme dans son propre lit ; le viol est clairement suggéré. Mercier ne supporte plus la présence de monsieur Haffmann au sous-sol et après un énième incident décide de le dénoncer. Dès lors, on rencontre le véritable héros de l'histoire : Blanche. Elle abandonne son mari, pris pour monsieur Haffmann, aux mains de la police et rend sa liberté au vrai monsieur Haffmann et lui permet de retrouver sa famille en zone libre. Blanche, qui pourtant au début de l'histoire s'accommode très rapidement à sa nouvelle vie décide d'y renoncer et de perdre son mari qui lui laisse une grossesse accablante pourtant si désirée. Cette femme qui paraît si fragile et presque "bécasse" à l'écran révèle sa force, impose ses principes et offre un dénouement accueilli avec soulagement par les spectateurs. A l'inverse, c'est avec beaucoup de sarcasme qu'on "apprécie" la dernière image de Mercier qui est la suivante : son avidité d'argent et de réputation ayant entraîné sa chute le projette au fond d'une cellule de commissariat où il regarde les passants passer dans la rue à travers une minuscule fenêtre, comme le faisait monsieur Haffmann, depuis le sous-sol de sa boutique.
Film à voir pour ce dénouement riche et merveilleusement porté par un grand trio d'acteur : Sara Giraudeau, Daniel Auteuil et Gilles Lellouche qui signe l'interprétation d'un personnage complexe qui mérite d'être loué.