Adieu Monsieur Haffman est le genre de film français qui nous surprend alors qu'on pensait voir une énième production sur la Seconde Guerre Mondiale, en balayant du revers de la main le côté historique (vu et revu) au profit du drame humaniste, de la tragédie mêlant empathie pour deux victimes en attente de leur sentence (le Juif craignant l'arrestation et l'épouse poussée au viol) et perversion par l'appât du gain. Comment un homme a priori benêt et gentil peut devenir un monstre lorsqu'il s'aperçoit de toute l'emprise, du pouvoir absolu qu'il a sur les autres ? Brillant Gilles Lellouche, décidément bien meilleur dans le registre dramatique, remettant le couvert après des prestations à fleur de peau dans Pupille et Bac Nord, qui nous scie encore les jambes en sachant nous duper au début (on l'aime bien, ce gars pataud) pour nous plonger dans le dégoût le plus complet (on le déteste bien, ce mac' collabo). De son côté, Sara Giraudeau parvient à être assez touchante pour nous rendre complice de
sa trahison finale
, immédiatement excusée par un spectateur qui a vécu l'horreur de sa prostitution déguisée sous l'excuse de l'envie de Monsieur d'avoir un enfant. D'ailleurs, son jeu timide nous a délicieusement perdu : étant subjectivement convaincue que Monsieur Haffman ne l'a pas touchée, un autre spectateur nous affirmait l'inverse, prenant appui sur le plan qui suit la scène de prétendu viol : on voit le mari et elle séparés par une ligne verticale (la bordure de la porte), Madame étant cachée (floutée... donc "flouée" ?) par le verre opaque jaune (couleur des cocus...), comme un aveu que "tout est fini, entre eux, maintenant que l'action est faite". Ou, pour notre part, à l'inverse, que "tout est fini, entre eux, maintenant qu'elle le trompe verbalement, en s'émancipant de ses ordres", un "cocufiage" symbolique. Si l'on en discute autant, c'est que le film a su nous y intéresser, le personnage de l'épouse étant le liant entre les deux protagonistes masculins (à l'instar de l'affiche). Daniel Auteuil, quant à lui, continue de nous faire aimer tendrement ses personnages, au fur et à mesure de sa filmographie, même si ici il reste finalement en retrait. Le final nous a plongé dans le mutisme le plus complet, tant tout se déroule avec un rythme prenant, et l'on se moque (un peu) des mauvaises critiques qui dénoncent une dramatisation extrême d'un fait divers historique. De notre côté, on a été captivé par la psychologie déchéante du personnage de l'époux (excellent Gilles Lellouche, on le redit), on s'est questionné sur le personnage de l'épouse, et on a été surpris par la fin. Un bon drame français à ne pas ranger au placard, ni à la cave.