Fierté du Bhoutan, L'école du bout du monde est un film magnifique portant en lui toute l'âme de son pays. Ce sont ces paysages gai et enchanteurs, ces chants et vêtements traditionnels, ces habitats typiques, ces coutumes, ces croyances, et cette conception de la vie et de la place des choses en ce monde, rencontrées par Ugyen autant que par le spectateur, qui font de cette petite merveille une véritable leçon invitant à réfléchir sur le sens du métier d'enseignant, les rapports d'harmonie que nous entretenons entre nous, avec notre environnement et avec les êtres vivants, et cette recherche perpétuelle de la meilleure place pour être heureux, sans toujours, songer, que nous y sommes peut-être déjà ; que simplement, nous ne nous en rendons pas compte. L'œuvre de Pawo Choyning Dorji est marquée par une tension originelle : Cette dichotomie entre la modernité toute récente, toute apparente du Bhoutan, et la place laissée à ses traditions, qui participent de façon extrêmement marquée à son identité. Religion d'état, le Bouddhisme y a façonné jusqu'à la constitution ! Citadin ayant grandi dans une ville en contact avec des influences occidentales, Ugyen caractérise cette problématique. Peu investi dans son travail d'instituteur qui ne le passionne guère, connecté, aspiré par les écrans comme à peu près tous les jeunes de sa génération, il va être brutalement confronté, une fois envoyé à Lunana, un village perdu dans les montagnes, à la grande simplicité de ses habitants. Il est le maître. Reçu avec des honneurs qui surprennent, il s'étonne. Vient cette phrase extraordinaire : "C'est parce que vous pouvez toucher l'avenir" - celui des enfants. Par son savoir, l'enseignant est en effet leur seule chance de dépasser l'horizon limité du village ; d'envisager un futur qui ne se cantonne pas à devenir à son tour paysan. C'est une lettre d'amour à ce métier injustement dévalorisé de nos jours, car combien est-il essentiel ! Vision touchante de cet engagement, partagé entre un manque de moyens, une volonté farouche de bien faire, et des enfants attachants, le travail qu'abat Ugyen l'oblige à se mêler aux réalités locales et à la vie des gens adorables qui l'entourent, ce qui bouscule tout son système de représentations. A ce titre, l'histoire narrant la relation entre l'être Humain et le Yak est une double démonstration : Elle rappelle les liens forts entretenus entre les paysans Bhoutanais et leurs animaux qui assurent leur survie, autant qu'elle est porteuse d'une puissante morale sur l'importance de montrer du respect envers les êtres vivants. Le titre originel du film "Lunana: A Yak in the Classroom" rend honneur à cette relation mutuellement profitable : Sans l'être humain, le Yak souffrait l'hiver. Abrité dans sa maison, il le gratifie de son lait et de ses déjections qui, séchées, font un excellent combustible, bien meilleur que le papier qui est précieux, là haut. Plus certainement, ce titre signifie un retour à la simplicité de l'existence ; existence appréciée en fonction du partage que l'on en fait avec ceux qui nous entourent. De façon peut-être inattendue, c'est en l'éloignant de tout superflu, en l'isolant géographiquement et socialement, que l'expérience vécue par Ugyen s'est complétée ; le reconnectant avec lui même, en l'enrichissant considérablement de la trajectoire de ses semblables.