Avec « La croisade » de Louis Garrel, je ne peux m’empêcher de penser qu’il avait vu juste sur un des aspects de son film : la prise de conscience de l’urgence climatique par de jeunes ados. Sur le laisser-faire des hommes politiques qui votent des lois, plutôt des mesures voire des mesurettes pour se donner bonne conscience, ce que l’on appelle « du cosmétique ».
Cyril Dion suit deux jeunes de 16 ans, et ce n’est pas de la fiction ; l’une anglaise, Bella Lack, l’autre français, Vipulan Puvaneswaran. Tous deux partent en croisade pour comprendre la sixième extinction de masse des espèces qui s’annonce, l’exploitation abusive de l’animal, les déforestations intensives, la pollution plastique, et la disparition de la biodiversité.
Ils s’en vont voyager à travers le monde pour tenter de mieux comprendre comment l’Homme en est arrivé à maltraiter la planète Terre depuis le milieu du siècle dernier.
Selon les scientifiques, la planète pourrait ne plus être habitable dans les cinquante prochaines années.
Alors, nos deux jeunes rencontrent des activistes qui prennent l’urgence à bras le corps puisque les politiques ne font pratiquement rien.
Ils tentent aussi de rencontrer des responsables politiques comme cet arrogant et méprisant membre du parlement de Bruxelles qui les fuit ! Je n’ai pas retenu son nom, mais est-ce vraiment utile de nommer un excrément ?!
Il y a des rencontres assez insolites comme ce fermier qui parle à ses vaches et qui les soigne tous les matins.
Tout comme Bella, je m’interroge devant cet entretien : aimer ses vaches comme ce fermier les aime, cela est-il compatible avec l’idée de les mener à terme à l’abattoir ?!
Notre fermier pleure, il est sincèrement ému. Il parle de paradoxe. Il aime son métier, c’est sa passion.
D’aucuns interpréteront ses larmes de larmes de crocodiles en arguant que le paradoxe n’est pas un argument recevable !
Bella et Vipulan visitent une exploitation de lapins encagés.
Je salue sincèrement l’éleveur d’ouvrir ses portes. C’est assez étonnant. Il prend un risque de ne pas être compris, d’être vilipendé !
Ainsi, il explique que ses lapins qui ne courent jamais sont relativement bien entretenus, et vivent correctement. Il est vrai, que ses lapins sont bien blancs et ne sont pas maculés de souillures suspectes. Cependant, il en sort un, mort, sous les yeux ébahis de Bella et des miens qu’il dépose sans considération. C’est un produit qu’il extrait d’une cage, rien de plus ! Et continue sa conversation comme si de rien n’était.
Bella a la voix posée, s’exprime sans agressivité mais on sent son trouble quand l’éleveur s’en empare d’un autre (vivant cette fois), pour une insémination. Elle l’invite à le prendre avec plus de douceur, ce que fait pourtant l’éleveur qui la rassure aussitôt mais la sensibilité de Bella est à fleur de peau.
Ainsi, on apprend que l’éleveur est pris dans un engrenage économique impitoyable qui le pousse à exploiter de cette manière.
D’autres rencontres sont édifiantes comme l’entretien avec Jane Goodall qui nous raconte, alors qu’elle était étudiante, son passage devant un jury après avoir longuement observé les chimpanzés : elle s’y était mal prise, on ne donne pas de noms aux animaux, on les numérote, le nom est réservé aux espèces humaines !
Nos deux jeunes rencontrent Eloi Laurent, un économiste de renom qui nous parle de la croissance qui n’apporte plus rien, au contraire elle serait destructrice ; il nomme trois femmes présidentes, celle d’Ecosse et celle de Nouvelle Zélande (je n’ai pas retenu la troisième) qui ont abandonné le culte de la croissance pour un nouvel ordre économique en rapport avec l’urgence climatique et le bien être humain.
Si des entretiens avec le fermier, l’éleveur de lapins, avec Jane Goodall et avec Afroz Shah, avocat activiste indien, responsable d’un programme de nettoyage de plastique sur les plages indiennes, sont saisissants, d’autres entretiens sont survolés, comme ceux avec Eloi Laurent, justement ou avec le président du Costa Rica. Il aurait été intéressant d’appuyer un peu plus les propos d’Eloi Laurent, de l’amener à illustrer concrètement ce modèle économique non basé sur la déesse croissance.
On voit bien que les manifestations et autres lanceurs d’alerte ne sont pas suffisamment pris au sérieux.
Alors me direz-vous, ce reportage n’apporte rien de nouveau.
Sans doute, mais c’est une piqûre de rappel indispensable.
Un papier plus un autre petit papier et un autre et ainsi de suite forment une montagne d’ordures.
Donc, il faut espérer que tous ces documentaires qui s’accumulent comme des petits bouts de papier finissent enfin par ébranler sérieusement les responsables du monde politique.
En tous cas, il est intéressant de voir Bella changer sur un point : elle qui se concentrait que sur la souffrance et la condition animale reconsidère sa position sur l’Homme qu’elle n’aimait pas du tout contrairement à Vipulan. Lequel avait pour commandement : « Comprendre est aussi important qu’agir »
J’invite Bella et Vipulan à regarder « Bigger Than Us », ils verront d’autres jeunes activistes qui agissent concrètement, pour certains, au péril de leur sécurité. Cela devrait pouvoir les consoler et qui sait, à l’heure où j’écris ces lignes, sont-ils déjà sur le terrain.