Faute d'avoir encore un "Bird Box 2" terminé dans le domaine des apocalypses supprimant un sens ou un besoin essentiel à l'Homme, Netflix s'est rabattu sur "Awake" pour surfer plus ou moins discrètement sur le succès de "Sans un bruit 2". Et autant dire que le film de Mark Raso va donner la chair de la poule à tous les industriels de la literie de la planète car le curieux phénomène qui touche ici l'humanité a pour conséquence de l'obliger à rester éveillée en permanence !
Que vous ayez besoin d'un bon sommeil réparateur, soyez des accros de la sieste, comateux ou grièvement blessés, impossible de se laisser aller dans les bras de Morphée, vous êtes obligés de restez conscients jusqu'à mettre mortellement vos esprits en état de surchauffe ! Non contente de mettre en chômage technique le Marchand de Sable, les nin-nins et autres doudous de la Terre, cette étrange épidémie ne semble avoir aucun remède... à part peut-être de rarissimes cas de personnes capables encore de s'endormir. C'est le cas de la fille de Jill (Gina Rodriguez), ex-militaire, qui va devoir cesser de fuir son rôle de mère dans un monde désormais à l'agonie de son manque de sommeil...
Du côté de sa seule proposition de film de SF apocalyptique, "Awake" a au moins le mérite d'en avoir choisi une qui crée un réel sentiment d'urgence en laissant un temps de survie se comptant en jours aux humains. Enfin, passé ce qui le déclenche, ce mal soudain se retrouve hélas très vite contrecarré par un gros manque de crédibilité dans ses symptômes car, faute d'avoir un danger plus grand qu'une simple privation de sommeil dans ses prémices, le film choisit de faire divaguer les cerveaux de la population à une vitesse ahurissante ! Que la panique ou une nuit blanche engendrent rapidement pillages et émeutes passent encore mais que l'on en vienne en moins de 24h à voir des esprits a priori rationnels d'une communauté vouloir commettre un sacrifice pour leur salut a quelque chose d'assez grotesque. Certes, on connaît la propension de l'Amérique actuelle à s'enflammer à partir d'une étincelle mais, ici, la manœuvre scénaristique apparaît terriblement grossière et semble surtout là pour créer les débuts d'une opposition primaire entre la religion et la science aux extrémités du film.
Bien entendu, le pire est encore à venir et cette mère et ses deux enfants vont croiser sur leur route la série d'obstacles la plus attendue d'une régression accélérée de la civilisation. Même en multipliant ces épreuves, "Awake" n'arrivera jamais à en proposer une d'un tant soit peu originale pour se démarquer du tout-venant apocalyptique, seul le dernier acte mettant en scène des cerveaux au bord de la rupture réservera un spectacle plus mouvementé (on y revient plus tard).
Comme pour "Bird Box", ce contexte de fin du monde va surtout servir à raconter le parcours d'une mère qui se refusait à l'être jusqu'alors mais, là où le film avec Sandra Bullock arrivait à en faire la ligne primordiale de son récit, "Awake" va avoir un mal fou à en tirer une variation pertinente à cause de la faiblesse de son écriture pour la faire briller.
Alors qu'elle maintenait ironiquement en sommeil son rôle de mère, l'héroïne incarnée par Gina Rodriguez se retrouve à devoir assumer à toute vitesse ses responsabilités devant une enfant qui pourrait être la garante de la survie de l'humanité. En plus d'être tout de même très proches -en bien moins subtiles- des questionnements existentielles du premier jeu vidéo "The Last of Us" (avant que la future série HBO s'en empare, malin), les tergiversations de cette mère sur la meilleure décision à prendre n'auront guère de vrai impact passionnant avant que le climax du film se décide à les mêler bien plus frontalement à la question périlleuse de la survie de cette famille.
C'est en effet dans sa dernière partie que "Awake" s'éveille pour trouver un semblant de personnalité. Déjà en s'accaparant plutôt bien la folie des derniers instants défaillants d'un cadre militaro-scientifique (dommage que la platitude de la réalisation ne soit pas à la hauteur pour en exacerber les déviances) mais aussi, grâce à un léger effet de surprise, qui parvient enfin à conjuguer toute la symbolique de l'éveil d'une mère à la finalité de l'intrigue apocalyptique. Bon, on vous l'accorde, ce ne sera pas fait avec suffisamment de finesse pour éviter à "Awake" de devenir -à court-terme- un vague souvenir de film apocalyptique lambda où seuls l'idée de départ et le visage de Gina Rodriguez (convaincante) demeureront mais, sur le moment, ça nous aura au moins permis d'en sortir sur une note positive, mettant un peu de côté le caractère très banal de ce qui a précédé.