La déception que produit de prime abord The Mexican au spectateur pressé s’avère recherchée par le long métrage lui-même, en ce qu’il s’attache à démonter le mécanisme du polar croisé avec le western pour en dévoiler les rouages et s’amuser d’eux. En effet, Gore Verbinski prend soin de détourner les genres qu’il investit pour constamment surprendre et frapper là où on ne l’attend pas : la détention mute en thérapie conjugale au terme de laquelle les amants malheureux se réunissent, la course contre la montre refuse le spectaculaire et privilégie les chambres d’hôtel tantôt miteuses tantôt luxueuses, les attentes, les coups de téléphone sans réponse, les pauses toilettes à répétition. L’art du cinéaste consiste alors à convertir la banalité des situations filmées en des réservoirs inépuisables de fiction : les routes pourtant désertes s’avèrent mortelles lorsqu’un véhicule grille le feu rouge, un chien galeux se transforme en gardien d’une mémoire mexicaine pleine de mystère, la légende du pistolet maudit se réécrit à chaque rencontre nouvelle avec un « gringo » ou un « bandito ». L’enchâssement de deux récits s’incarne à l’écran par des ruptures de tons et de couleurs, il compose deux microcosmes, presque deux films emboîtés qui ne se rassemblent qu’en clausule quand l’amour triomphe. Jerry et Samantha, les deux paumés fascinés par Las Vegas, marchent ainsi dans les pas des amants d’un Mexique fantasmé qui revêt, malgré l’ironie d’ensemble, la puissance de la plus antique tragédie. Les personnages sont obsédés par une mission, une quête dont l’aboutissement demeure insatisfaisant ; leurs motivations restent floues ; ils ne comprennent pas pourquoi ils agissent, telles des victimes des fictions qu’ils animent. Pourtant, des artifices partout présents surgit une émotion à fleur de peau qu’incarnent d’excellents acteurs, mention spéciale au trio principal formé par Julia Roberts, Brad Pitt et James Gandolfini. La mise en scène de Verbinski regorge d’idées qu’il fait souvent avorter comme pour se moquer de la grandiloquence empruntée aux western bis italiens comme au nouveau polar à la Tarantino ; la partition musicale d’Alan Silvestri s’approprie de façon délicieuse la patte Ennio Morricone. Pourtant, des artifices partout présents surgit une émotion à fleur de peau qu’incarnent d’excellents acteurs, mention spéciale au trio principal formé par Julia Roberts, Brad Pitt et James Gandolfini. Mal aimé et oublié, The Mexican est un petit bijou d’autodérision qui aborde la parodie avec intelligence et audace.