Il se pourrait bien que « Boite Noire » soit le meilleur thriller de l’année. Je l’avais vu venir de loin, ce film là, parce qu’il a pour héros un enquêteur du BEA et que ce petit monde là est fascinant. Je m’étonne que personne n’ait eu l’idée avant Yann Gozlan de faire un film sur cette institution et les enquêtes hyper délicates et médiatiques qu’elle mène. Même s’il est un tout petit peu trop long (2h10), le film de Yann Gozlan est rudement bien tenu. De la scène d’ouverture parfaitement bien amenée (le crash uniquement par le son à bout d’un long travelling) à la scène finale, on n’aura jamais décroché de notre siège, happé par cette histoire d’accident d’avion qui réveille forcément (en tous ceux qui ont déjà pris l’avion au moins une fois) une crainte sourde. Le film est parsemé de scènes impressionnantes, notamment celle où Mathieu de retrouve dans le hangar ou l’avion est reconstitué et où il visualise l’accident juste avec la bande son dans ses écouteurs. Il y a de très jolis plans, le suspens est bien amené (avec une musique qui va bien, juste un tout petit peu trop forte), et le spectateur se mue lentement en enquêteur lui aussi, écoutant attentivement chaque son, regardant partout sur les écrans à la recherche d’une incohérence, d’un détail. Je souligne, et c’est très important, que le film doit se voir en salle et de préférence dans une salle parfaitement sonorisée. Le son est d’une importance capitale dans l’enquête, il est à la source de chaque indice, de chaque fausse piste. Le personnage principal souffre d’hyperacousie, ce qui l’handicape autant que ça lui est bénéfique dans le cadre de son travail, et grâce à quelques artifices, le film rend tout cela très concret, jusqu’à la dernière image de son oreille, bouleversante. Même s’il cède parfois à quelques facilités en matière de thriller (scènes volontairement mal éclairées, rebondissements inutiles juste là pour faire sursauter le spectateur, coup de fil pile au mauvais moment), Yann Gozlan maitrise son film, il part bille en tête et il ne lâche pas le spectateur pendant 2h10, le tenant au creux de sa main grâce à sa réalisation nerveuse et à son scénario. La cause du crash, je m’empresse de rassurer tout le monde,
on finit par la connaitre dans les 20 dernières minutes du film
et évidemment, je n’en dirais rien ici. Le scenario joue beaucoup sur la personnalité de Mathieu, il est hyper doué mais il s’est mis pas mal de collègues à dos en commettant des erreurs, en parlant à des journalistes. Du coup, plus il enquête, plus il en devient obsessionnel et plus tout le monde (et le spectateur aussi) finit par le croire paranoïaque : Et si, à force d’écouter on finissait par entendre ce qu’on a envie d’entendre ? Il cherche, part sur une piste, fait marche arrière,
joue un jeu dangereux avec la journaliste de Médiapart, franchit la ligne jaune en dérobant un rapport confidentiel
, il finit par faire un peu peur. Lorsqu’il a enfin la révélation, la bonne piste (qu’évidemment, comme dans tout bon thriller, il découvre par hasard), le film change un peu de braquet pour verser dans le thriller pur et dur. A partir de là, on se pose la question de la crédibilité. Tout ce que je peux dire, c’est que j’espère vraiment que tout ce qui est insinué par le film est exagéré, mais que je n’en suis pas du tout certaine. Il y a autre chose sur lequel le scénario appuie sans prendre de gants : la connivence. Les constructeurs, le BEA, les compagnies aériennes, les certificateurs, tout le monde se connait, tout le monde s’est déjà côtoyé dans les écoles d’ingénieur, certains se marient entre eux.
Du coup, le BEA qui devrait être totalement et parfaitement indépendant, côtoie sans arrêt ceux qui construisent les avions qui se crachent, ceux qui les pilotent, ceux qui les certifient.
Le scénario est complexe, forcément, mais il réussi à rendre intelligible au spectateur lambda des notions complexes sur le monde de l’aviation et c’est un mini tour de force !
En revanche, petit bémol : un enquêteur du BEA qui disparait sans laisser de trace le lendemain d’un crash aérien dont il a la charge, ça doit faire plus de bruit que cela en fait dans le film, et à minima, la police doit fouiller sa maison et y poser des scellés ! Sur ce point précis, le scénario est un peu mou du genou.
Je n’ai pas encore parlé de Pierre Niney, qui porte le poids de cette « Boite Noire » sur ses épaules et qui est formidable, fort et fragile, a qui ont fait aveuglément confiance et puis la seconde qui suit on le trouve dangereusement borderline. A ses cotés, Lou de Laage, André Dussolier, Sébastien Pouderoux font ce qu’ils ont à faire très proprement, mais Niney attire la caméra, c’est presque magnétique. Les 20 dernières minutes du films peuvent paraitre un tout petit peu rocambolesques, même un peu trop tirées par les cheveux (le coup du lac) mais on est dans un thriller qui s’assume, alors on marche. On marche d’autant plus qu’on veut savoir presque autant que Mathieu ce qui a causé le crash du Dubaï-Paris. Et quand on comprend ce que c’est, loin de nous rassurer, cela nous glace le sang. Ne cherchez pas plus loin, malgré ses petits défauts, le meilleur thriller de l’année, il est là !