"Avoir 20 ans dans les Aurès !"
Il y a les choses que l’on peut dire, et puis il y a les choses que l’on tait, car il n’existe aucun mot !
Cette phrase résume le propos du nouveau long-métrage de Lucas Belvaux “Des Hommes”. Ils s’appelaient Bernard dit “Feu-de-bois” (Gérard Depardieu), Rabut alias “le bachelier” (Jean-Pierre Darroussin) ou encore "Février" (Félix Kysyl), ils étaient jeunes et insouciants, mais cette insouciance leur fut enlevée. C’était entre 1960 et 1962 en Algérie. À l’aide de flashbacks, soutenu par les textes du roman éponyme de Laurent Mauvignier, Lucas Belvaux appuie son discours sur les ravages post-traumatiques de la guerre, et resserre son récit sur les souvenirs de “Feu-de-Bois” et “Rabut”, qu’une dispute lors d’un anniversaire viendra raviver. Solange (Catherine Frot) fête son anniversaire dans une salle communale avec ses amis quand Bernard son frère fait irruption. L’alcool aidant, Bernard invective les invités et insulte Saïd, un convive. Incontrôlable, Bernard se rend chez Saïd, encore à la fête, agresse sa femme, la bouche toujours pleine d'injures racistes, et tue leur chien. Cette fois-ci, cet homme solitaire et violent a franchi la limite. Retranché chez lui avec son fusil de chasse, en attendant les gendarmes, il se souvient ! Pour Solange et Rabut qui se doivent de résonner Bernard, cette veillée d’armes fait resurgir le passé. À travers les lettres que lui envoyait Bernard lors de sa mobilisation, Solange revoit le frère qu’elle a définitivement perdu, mais qu’elle aime pourtant toujours. Bernard et Rabut quant à eux, racontent à deux voix, leur guerre d’Algérie ! Jouant sur deux époques, Belvaux - en toute neutralité quant au conflit - entrelace le passé et le présent pour mieux nous faire comprendre le calvaire qu’a subi cette jeunesse sacrifiée et les répercussions à venir. Une narration omniprésente et grave en monologues, entrecoupée de silences pesants donne à l’ensemble la caution psychologique voulue ! Loin du film de guerre que certains attendaient peut-être - le conflit y est ici décrit comme un long moment d’ennui parsemé de moments d’horreur extrême - “Des Hommes” se veut un témoignage intimiste sur une génération en guerre contre elle-même !