Lucas Belvaux a réalisé un film ambitieux, trop peut-être, mais on sait que ce n'est pas quelqu'un qui se contente de la facilité. En tous cas, le film donne sacrément envie de lire le roman éponyme de Laurent Mauvignier!
La jonction des deux univers (un village campagnard, aujourd'hui; la guerre d'Algérie) entre lesquels le film oscille n'est pas très réussie, et c'est cela qui le fait boiter. On a par moments l'impression de voir se dérouler deux histoires différentes.
C'est la fête d'anniversaire de Solange (Catherine Frot, juste comme d'habitude); tous les amis partagent un déjeuner, joyeux, jusqu'à l'irruption de son frère, Bernard, que l'on appelle maintenant Feu-de-Bois, une énorme brute avinée -dans ce personnage, Gérard Depardieu se fait visiblement plaisir. Dans cette famille il y a aussi manifestement des problèmes d'argent qui ne sont pas très clairs -Belvaux aurait du élaguer;
Les évènements sont commentés en voix off, par son cousin Rabut -Jean-Pierre Darrousin qui, comme chez Guediguian, joue un peu le sage -celui qui a suffisamment de retour sur lui-même et sur le passé.
Chassé de la fête, Feu-de-Bois va se défouler dans la famille d'un algérien du village, qu'i insulte et terrorise. Cette fois ci, il va bien falloir que la police intervienne.
D'où remonte cette violence? Pour Solange, c'était quand même un gentil frère, qui lui écrivait régulièrement, d'Algérie. Rabut ne le supporte plus, en raison de faits arrivés là bas, (ils se sont retrouvés dans le même secteur) qui ont eu de terribles conséquences. Et là, on rentre dans cette guerre avec un réalisme à la Schoendorffer, des séquences fortes où Belvaux essaye de ne pas être partisan, montrant à la fois le manque total de conscience politique des appelés, les harkis déchirés entre deux appartenances, et les traces laissées par cette guerre absurde et effroyablement cruelle, avec des exactions dans chaque camp... En quoi cette tragédie a t-elle forcé la descente aux enfers de Bernard, qui jusqu'au bout restera opaque?
Yoann Zimmer et Edouard Sulpice Bernard et Rabut jeunes.
Cela reste un film, qui par son exigence, fait honneur au cinéma français