Dans le film 48h suffiront pour détruire la réputation littéraire et médiatique toute neuve de Karim D., suite à un passage remarqué dans une émission télévisée phare. Moins d’1h30 sont nécessaires à Laurent Cantet pour nous raconter, dans une transposition semble-t-il assez fidèle de l'affaire Mehdi Meklat, la mécanique du scandale. Le scénario est bien construit, l’acteur Rabah Nait Oufella, l'un des élèves d' « Entre les murs » du même Cantet, est très convaincant. Film après film, Laurent Cantet trace depuis plus de vingt ans un sillon original et intéressant dans le cinéma français. Ses films nous questionnent toujours intelligemment.
Arthur Rambo, contrairement à ce que son pseudonyme sur les réseaux sociaux pourrait laisser croire, n’est pas un Dr Jekyll et Mr Hyde. Arthur donc, comme Rimbaud, et Rambo, comme le personnage bas de plafond incarné au cinéma par Stallone. Sous ce masque, le futur jeune auteur à succès déversera pendant des années des tonnes de tweets provocateurs, antisémites, homophobes, racistes, j’en passe et pas des meilleurs. Sauf que le but n’était pas de s’inscrire dans une idéologie d’extrême-droite, même si celle-ci aura tôt fait de récupérer son personnage. Non, sa seule ambition est d’augmenter le nombre de ses followers et sa notoriété souterraine, de sortir du lot, dans cet univers glauque et sans espoir des banlieues immigrées.
Ce passé peu glorieux lui reviendra en pleine tête le soir même de son explosion médiatique, suite à sa prestation dans l’émission littéraire. Maladresse de ne pas avoir effacé préalablement les messages, hypocrisie de ses co-auteurs qui l’ont accompagné anonymement pendant des années, couardise de sa maison d’édition et des élites bien-pensantes ? Il y a un peu de tout cela derrière les causes de cette chute spectaculaire. Mais cela pourrait rester presque anecdotique. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est le poison qu’Arthur Rambo a instillé dans la tête de ses petits frères des banlieues, qui tenaient leur héros qui à coup de slogans vengeurs et de punchlines percutantes, leur donnait une raison d’exister et leur avait permis d’identifier l’ennemi à combattre. En gros, tout ceux qui ne vivaient pas leur propre misère. Absurdité que le héros ne finira par comprendre, après sa déchéance, qu’en écoutant parler son petit frère...