Je suis partagée en écrivant cette critique, mais pas pour les mêmes raisons que j'ai pu lire dans les autres commentaires.
Ce film est une proposition sobre, dépouillée et pudique qui ne manque pas d'une certaine poésie du quotidien. Notamment une poétique autour du corps, avec une très belle scène, qui vaut le coup à elle seule, où l'héroïne déboutonne la chemise d'un inconnu pour placer sa main sur son cœur, juste comme ça, pour trouver une connexion, un peu de chaleur. Les choix de réalisation sont tout aussi sobres : lumière naturelle, plans peu tarabiscotés, jeu d'acteurs au plus proche de la routine du quotidien, des vrais gens, qui permet l'identification aux personnages.
Niveau synopsis, on est un peu perdus : la proposition initiale, c'est cette femme qui part de chez elle (apparemment sans bagages) dans la voiture de collection de son mari, on ne sait vers où. Elle a l'air d'abandonner sa famille, et la réaction de celle-ci est neutre (pas tellement crédible ?). Tout au long du film, on oscille entre la suivre elle et suivre la famille restée à la maison
, il y a même un dialogue qui s'instaure où le mari et la femme se parlent mentalement, c'est assez bien vu.
. Petit à petit, on comprend que peut-être que ce n'est pas elle qui est partie, peut-être qu'il y a autre chose. Pas la peine de vous spoiler, vous verrez.
Et d'où ma critique du film, car c'est précisément ce glissement scénaristique qui m'a dérangée et que je trouve moins fort que la proposition initiale. Au départ, on se demande pourquoi elle part. Son mariage est-il mort ? Son mari violent ? Ses enfants insupportables ? A-t-elle besoin de liberté, de réinventer une vie qui ne lui ressemble pas ? Ça m'a fait penser à La Femme Gelée de Annie Erneaux, où on fait une critique de la femme endormie dans un mariage soporifique et aliénant. Et donc, j'ai regardé avec beaucoup de curiosité (et de la fierté qu'elle reprenne sa vie en main) cette femme qui se sentait coupable d'abandonner sa famille sans sommation, mais qui avait l'air de ne pas pouvoir faire autrement. Qui inventait une autre manière de vivre, de se retrouver et se réiinventer.
Puis, on comprend .
qu'elle n'a en fait abandonné personne ; enfin si, elle a décidé de ne pas aller à la neige, alors que son mari et ses enfants sont décédés dans une avalanche. Alors, elle mobilise les secours (là encore, on pourra dire soit mollement, soit avec pudeur et retenue en fonction de sa sensibilté) et elle attend dans un hôtel le dégel, pour récupérer les corps et vendre sa maison.
Pour moi, on passe dont d'une proposition vraiment forte et iconoclaste de descente de son piédestal de la sacro-sainte famille hétéro cis dans sa maison avec les parents et les enfants comme cartographie universelle du bonheur, à un drame somme toute assez banale autour du deuil.
On a des idées intéressantes dans le jeu de piste pour comprendre ça (notamment la jeune pianiste que suit la protagoniste en projetant le souvenir de sa fille morte sur elle), mais mon sentiment reste le même, on édulcore la proposition.
.
À noter, une jolie proposition de plan pour introduire un souvenir (la rencontre entre la femme et son mari), où la femme enlève de la neige d'une fenêtre et on plonge dans une boîte de nuit. Le plan était beau.
Bien que l'actrice principale, Vicky Krieps, soit juste dans son jeu, tout en pudeur et retenue, j'ai ressenti peu d'émotions et je ressors donc de ce film plutôt déçue.