On ne sait pas bien qui des personnages ou du réalisateur de Da 5 Bloods est le plus obsessionnel et tourne maintenant comme un vieux disque rayé... Chaque dialogue nous hurle en grossiers sous-entendus "Black Lives Matter !", ce qui finit par nous donner des acouphènes. Le fond n'a donc rien de nouveau sous le soleil (des tropiques) depuis son Malcolm X de 1992, si ce n'est que la forme est devenue...épouvantable. On en perd ses adjectifs pour décrire cette immondice de montage, dont on ne comprend pas les délires visuels : les plans en quatre-tiers flous (pour représenter le passé ? Mais parfois le passé est représenté "en net"... Pas compris), les photos des personnalités citées qu'on balance à la volée en pleine scène, la référence appuyée à Apocalypse Now avec La Chevauchée des Walkyries, le personnage qui d'un coup se met à nous parler en face caméra pendant plusieurs minutes (gênant), les câlins entre les personnages qui nous sont montrés deux fois d'affilée... De même l'introduction qui nous prend pour des gamins avec son montage mélo et en nous serinant, comme s'il s'agissait d'une révélation, son discours "Nous, les Noirs, on nous a utilisés comme chair à canon dans la Guerre du Vietnam, et on n'a toujours eu que du racisme en retour", ce qui est fondamentalement vrai, mais la forme "bourrine" et manquant cruellement de finesse (un éléphant dans un magasin de porcelaine) nous rend le message légèrement trop "prêt-à-penser". On peut appliquer malheureusement cette critique du "prêt-à-penser" à l'ensemble du film, car l'on s'aperçoit vite du statut de martyr vers lequel le réalisateur pousse ses personnages, appuyé par des discours soigneusement sortis de leur contexte : Monsieur Lee est ainsi gonflé de justifier son propos en nous diffusant un extrait des derniers discours de Martin Luther King (1967), lorsqu'il commence à utiliser le terme "esclaves" pour parler des Afro-américains (ce qu'il se refusait à faire jusque-là au profit de sa pensée d'égalité inter-races), un des discours plus proches de ceux de Malcolm X qui est en pure contradiction avec les dix années précédentes de la politique de King (qui n'intéressaient pas le discours "l'esclave se révolte" de Lee, donc on coupe et on garde juste le 1% qui dit l'inverse, pas très objectif). Le montage qui accompagne cette séquence est tout aussi finement amené : une musique de tambours militaires, un texte en majuscules rouges qui défile pour nous dire que l'année d'après, King s'est fait descendre (merci du cours d'Histoire)... Pour nous dire quoi ? Quoi de plus que nous ne sachions déjà avec l'ouverture balourde qui nous met la tête dans son réquisitoire jusqu'à la noyade, avec les "Black Lives Matter !" qui fusent à l'improviste entre deux images (les photos de personnalités) ou entre deux mots (les dialogues bourrés de militantisme), quoi de plus pertinent ? Rien, encore une redite en nous montrant le groupe de militants Black Lives Matter pour nous dire que le combat continue aujourd'hui, ce qu'on sait déjà. Si l'on voulait se concentrer sur autre chose que son discours engagé, on tombe de haut avec une simple histoire de vétérans qui ont trouvé un magot et veulent se le partager (un scénario vu et revu), avec des situations ridicules (le coup de la corde pour tirer un gars d'une mine...), des Français qui en prennent plein la tête ("mangeurs d'escargots, planqué en 39-45, nous ont laissé le bazar au Vietnam, ne sont bons qu'à retirer les bombes qu'ils ont posé"... On est contents d'être venus, nous), des acteurs qui jouent comme des pieds, des lignes de scénario piqués à un mauvais soap ("je culpabilise car ma mère est morte en couche et mon père me hait depuis", "le fantôme de mon ami me pardonne et me fait un gros câlin filmé deux fois", "je fais des gros câlins à ma fille cachée"...) et une thématique des traumatismes de guerre encore une fois traitée avec balourdise (le père qui devient maboule). On préfère malgré nous s'intéresser au discours pour la cause noire qu'on partage à cent pour cent sur le fond, mais dont la forme "prêt-à-penser" abusive nous prend un peu pour des ignares finis.