"Da 5 Bloods" a les qualités et les défauts de son réalisateur, Spike Lee.
Il est en effet difficile de dissocier le réalisateur de ses oeuvres tellement sa personnalité les imprègne. Ses films sont rageurs, engagés, orientés politiquement même, et assez autosatisfaits.
Au rayon "Qualités", "Da 5 Bloods" est une oeuvre maîtrisée et énergique. Le réalisateur concilie l'expérience d'un artiste confirmé et la fougue d'une jeunesse enragée.
Rien qu'au niveau visuel, Spike Lee a développé un langage pour que l'on identifie facilement les flashbacks. Ceux-ci sont tournés en 4/3 tandis que l'action se déroulant en 2020 apparaît à l'écran en 16/9ème. De même, il y a un grain sur l'image lorsque l'on fait un flashback alors qu'elle est assez lisse en 2020.
Tout ceci peut paraître anecdotique mais cela donne une âme à l'oeuvre. Elle est bien plus qu'un brûlot politique ou un film d'action, c'est avant tout une oeuvre dans laquelle le moindre détail est pensé.
Au niveau qualités, on peut aussi citer les 5 acteurs principaux qui sont habités par leurs personnages. Mention spéciale à Delroy Lindo (Paul), qui est d'une rare intensité lors de scènes de dialogues face caméra.
Malheureusement, "Da 5 Bloods" a aussi hérité des défauts de son réalisateur. L'oeuvre transpire l'autosuffisance : à son visionnage, on a presque l'impression de voir écrit en filigrane : "regardez comme je suis cultivé, je vais vous balancer quelques infos sur les noirs américains qui ne font absolument pas avancer l'histoire mais qui me permettent d'étaler ma culture, quitte à ce que ça casse le rythme et brise l'immersion dans laquelle je vous ai plongé" ou alors "là, je vais vous montrer comment je maîtrise le cinéma, je suis devenu un cador !". Non, non, non, arrête tout. Si t'es bon, on s'en apercevra tout seul, là tu ne fais qu'irriter le spectateur.
Même chose : le film est beaucoup trop verbeux. On part parfois sur des dialogues pompeux, sur des considérations philosophiques / politiques / sociologiques, qui font plaisir au réalisateur mais qui ne sont vraiment vraiment pas subtils. Et puis ces parallèles dressés entre la guerre du Vietnam et le mouvement Black Lives Matter, pitié, c'est traité avec des gros sabots ... Je ne dis pas que le parallèle n'est pas pertinent, je dis que c'est amené avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine ...
Du coup, ces défauts gâchent l'expérience que l'on peut avoir. Rajoutez à cela certains personnages mal écrits et des acteurs qui les interprètent très très mal (qu'est-ce qu'il s'est passé Jean Reno ?) et vous détruisez un potentiel immense.
Ainsi, "Da 5 Bloods" avait le potentiel d'être un excellent film, comme "Blackkklansman" a pu l'être, mais il est au final un film sympathique sur le moment mais vite oubliable.