Ce sublime mélo très long -un peu trop long, sans doute, car après trois heures, on cale, mais..... comment être court lorsque l'on couvre 40 ans de vie de la Chine?- est un chef d'oeuvre. Il brasse tant de notions -la culpabilité, le pardon, le ravage des non-dits.... A partir de cette terrible (mais inévitable sans doute) tyrannie de l'enfant unique. Construit autour de flash backs parfois déroutants. En tous cas, je n'ai jamais vu autant de réalisme et de crédibilité dans le vieillissement des acteurs!
Ce sont des amis, ou beaux frères, belles soeurs... ils vivent les uns sur les autres dans une cité ouvrière, travaillent dans la même usine, s'amusent ensemble. Enfin, mieux vaut danser dans les bals officiels qu'organiser des surboums chez soi: l'un de la bande va se retrouver en tôle.
Deux couples d'amis donc. Les deux femmes, Lijun (Yong Mei) et Haiyan (Ai Liya) accouchent presque en même temps. Xingxing et Haohao vont grandir ensemble, comme des frères.... Mais tandis que Lijun reste une simple ouvrière, les parents de Haohao prennent du galon. On retrouvera à la fin du film le père, devenu patron d'une société, vivant dans le bel appartement moderne, avec mobilier design et écran plat, d'un Pekin complètement remodelé. En attendant, Haiyan est devenue sous directrice de l'usine et responsable du planning familial. Et quand Lijun se retrouve enceinte d'un scandaleux petit deuxième qu'elle ne peut plus cacher, Haiyan la traîne manu militari à l'hôpital où on l'avortera de force, en dépit de l'avancement de sa grossesse....
Les deux garçons vont jouer, malgré l'interdiction parentale, sur les berges d'un fleuve; au milieu, le courant est fort. Haohao est débrouillard; Xingxing, sage, un peu timoré et obéissant. Est ce Haohao qui l'a entraîné, ne voulant pas que son "frère" passe, aux yeux des autres gamins, pour un trouillard? Xingxing se noie, épisode traité avec une délicatesse qui ne le rend que plus bouleversant. Alors, Lijun et Yaojun (Wang Jing-chun) n'ont plus rien. Ils partent très loin, sur le bord de la mer, du côté de Canton, adoptent un orphelin qu'ils rebaptisent Xingxing.... mais c'est un gosse rebelle qu'il faudra bien laisser partir. Ils n'ont rien, ni argent, ni enfant, rien que l'affection solide qui les lie, alors que les autres, qui prospèrent en ville, ont tout -sauf que leur vie est bouffée par la culpabilité. Tout cela se terminera cependant par une fin lumineuse; la dernière séquence, on l'espère et on l'attend..
Depuis les travailleurs en veste et pantalon bleus, jusqu'aux jeunes actuels aux cheveux verts ou grenat qui font des rodéos à moto, Wang Xiaoshua nous fait parcourir quarante ans d'histoire, dans cette saga foisonnante aux multiples personnages. Mais ce dont on se souviendra le plus, sans doute, c'est l'humanité, la tendresse humaine qui parcours le film. C'est superbe et à ne pas rater.