First Cow est adapté du roman "The Half-Life" de Jonathan Raymond, situé au début du XIXème siècle et qui se déroule sur une quarantaine d’années et deux continents. Kelly Reichardt explique : "Au fil des années, on s’est souvent demandé avec Jon si l’adaptation du livre pouvait donner lieu à un projet réaliste. Depuis quelque temps, j’avais essayé de tourner un film en Europe, également situé au début du XIXème siècle. C’était une sorte de fantasme et j’ai consacré beaucoup de temps à réfléchir à de petits villages et à regarder les oeuvres de Courbet et de Bruegel. Ce projet est tombé à l’eau, et du coup, Jon et moi avons repris nos habitudes, en nous demandant comment adapter The Half-Life."
Le scénariste et romancier Jonathan Raymond avait déjà travaillé avec Kelly Reichardt sur Old Joy (2006), Wendy et Lucy (2008), La Dernière piste (2010), Night Moves (2013) et Certaines femmes (2016).
First Cow marque la sixième collaboration entre Kelly Reichardt et les producteurs Anish Savjani et Neil Kopp. La réalisatrice précise : "Ce sont eux qui sont sur le terrain et qui se débrouillent pour accéder à toutes mes demandes. Par exemple, si on tourne une scène dans laquelle on a besoin de voir des poissons surgir d’un ruisseau, ce sont eux qui balanceront, au bon moment, des poissons dans le ruisseau. Il y a plusieurs univers parallèles qui coexistent dans un film. Dans tous les domaines, les idées évoluent et aboutissent à d’autres idées qui se nourrissent des premières."
Pour façonner le style visuel de First Cow, Kelly Reichardt et le directeur de la photographie Christopher Blauvelt ont revu Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi et La Trilogie d'Apu de Satyajit Ray, qui se situent dans de modestes bidonvilles. "On a puisé notre palette de couleurs dans les tableaux de cow-boys de Frederic Remington, pour les bleus et verts sombres et la lumière ocre", précise la cinéaste.
First Cow a été tourné en 4/3. Kelly Reichardt justifie ce choix : "Dans le film, les personnages creusent, fouillent la terre, les cheminées sont au niveau du sol, tout comme la paillasse sur laquelle dort Cookie – tout est près du sol. Le format carré convient bien aux grands arbres pour les extérieurs et accentue la proximité des éléments du plan avec le spectateur. Il convient bien également aux personnages. Le 4/3 n’a rien de spectaculaire. C’est un format modeste."
La vache utilisée pour le film se nomme Evie et a été sélectionnée à partir de plusieurs photos. Kelly Reichardt se rappelle : "C’est celle qui avait les plus grands yeux. Quand on travaille avec des animaux, on doit tous ralentir la cadence. Et les équipes de tournage n’ont pas l’habitude de tourner lentement et sans faire de bruit. Mais avec Evie, ou les chevaux de Certaines femmes, toute l’équipe doit fonctionner au ralenti et être attentive à l’animal. Si on le braque, on risque d’accumuler de la frustration."
First Cow se déroulant dans les années 1820, Kelly Reichardt n'a pas pu compter sur l'utilisation de sources photographiques pour ses recherches. Avec son équipe, elle a lu plusieurs ouvrages sur cette époque et s'est basée sur des récits transmis de génération en génération.
April Napier a imaginé ce que les gens portaient quand ils partaient de chez eux et le type de vêtements qu’ils réussissaient à se procurer en chemin. La réalisatrice se remémore : "On classait les costumes en fonction de l’état dans lequel les personnages arrivaient à destination, en fonction de l’emploi qu’ils occupaient, et de la question de savoir s’ils travaillaient au fort ou s’ils n’étaient que de passage. On a fini par travailler avec un chercheur, un certain Phil Clark, à Londres, parce que tous ceux qui conservaient des archives sur la région, qui prenaient des notes et dessinaient des croquis étaient anglais."
C'est Sean Fong, qui travaillait au sein du département Accessoires, qui a préparé les scones et les beignets sur le plateau (exclusivement avec les ingrédients disponibles à l’époque).
Kelly Reichardt a fait appel à William Tyler après avoir tenté de recourir à des musiques contemporaines : "Rien ne convenait vraiment, et plus je me rapprochais d’une partition authentique, plus ça ressemblait à une émission pour la télévision publique. J’ai décidé de changer d’approche, William est venu en salle de montage, il a joué un morceau sur les images d’un premier montage pour voir si cela fonctionnait, et c’était le cas !"
Kelly Reichardt a rencontré John Magaro et Orion Lee par sa directrice de casting Gayle Keller. La cinéaste connaissait surtout John via Carol, et savait que le producteur exécutif Scott Rudin adorait ses prestations au théâtre. "John dégageait de bonnes vibrations – pendant notre première discussion sur Skype, il m’a beaucoup fait penser à Cookie. Il n’était pas convaincu que le rôle lui corresponde, et c’était donc enthousiasmant qu’il finisse par nous dire oui."
"Gayle a recherché l’interprète de King-Lu de manière acharnée. On a envisagé des centaines d’acteurs. Orion a fait trois ou quatre lectures, et chacune d’entre elles était très intéressante à sa façon. Le plus difficile pour moi, pour King-Lu, c’est qu’il s’agissait d’un croisement entre deux personnages du livre et que c’était donc un rôle inédit. Je ne savais pas exactement ce que je voulais."
La région où se déroule le film s’appelle le Lower Columbia : un endroit où la rivière Willamette se jette dans le fleuve Columbia à proximité du Portland actuel. Cette région est habitée depuis au moins 12 000 ans. "L’époque à laquelle on s’intéressait est passionnante. Beaucoup de nouveaux venus avaient été attirés par le commerce du castor encore balbutiant. Il n’y avait pas encore de gouvernement, mais d’importantes entreprises qui commençaient à extraire des ressources naturelles", précise Kelly Reichardt.