Nous sommes en Écosse, à Glasgow, et, dès la scène d’ouverture, apparaît celle qui est au cœur de ce film : Rose-Lynn (Jessie Buckley). C’est une jeune femme pour qui s’achève une peine de prison, mais qui n’est libérée que sous condition de porter un bracelet électronique avec obligation de ne pas sortir de chez elle à certaines heures. C’est le premier obstacle, la première des nombreuses difficultés à surmonter pour celle qui est habitée par une passion dévorante : pouvoir se produire sur scène en tant que chanteuse de country. Ce style de musique, qu’on imagine volontiers réservé aux Américains, compte aussi de fervents interprètes en Europe et, singulièrement, en Écosse. Cela étant dit, Rose-Lynn, elle, ne rêve que de pouvoir un jour traverser l’Atlantique pour pouvoir affirmer ses talents de chanteuse rien moins qu’à Nashville.
Mais comment s’y prendre pour passer du rêve à la réalité quand on est en liberté surveillée, quand il faut se contenter d’un travail de femme de ménage et quand on est mère de deux enfants ? Ces deux-là, un garçon et une fille, ont été gardés par leur grand-mère, la mère de Rose-Lynn (Julie Walters), durant le temps de l’incarcération. Or, quand leur mère les retrouve, les enfants ne montre aucun signe d’enthousiasme, c’est le moins qu’on puisse dire. La vie avec leur mamie leur convenait à merveille. Pour Rose-Lynn, écartelée entre sa passion pour la musique et ses devoirs de mère, des choix compliqués s’imposent et ils s’accompagnent de bien des maladresses. Dans le même temps, Rose-Lynn fait la connaissance de celle qui va devenir, en quelque sorte, son Pygmalion : son employeuse (Sophie Okonedo), une femme riche qui ne tarde pas à découvrir que sa femme de ménage a de réels talents en tant que chanteuse de country. Grâce à elle, grâce aux opportunités qui s’ouvrent devant elle, Rose-Lynn peut à nouveau prétendre au succès.
Si l’on s’en tient à ce résumé, on pourra dire, à juste titre, que ce film ne renouvelle guère le genre qui est le sien. Or, ce qui lui donne son originalité et le rend passionnant, outre les talents éclatants de son actrice principale et les belles idées de mise en scène dont fait preuve le réalisateur, c’est que ce dernier a placé au centre de cette histoire la question du mensonge et de la vérité. C’est là le sujet principal du film et il est même tatoué sur le bras de son héroïne. Quand on lui demande ce qu’est la musique country, elle montre son bras où il est écrit : « trois accords et la vérité ». Pour ce qui concerne les trois accords, pas de problème : Rose-Lynn est une chanteuse d’exception qui maîtrise son domaine à merveille. Mais pour ce qui est de la vérité, il y a du chemin à parcourir. À son employeuse, par exemple, elle préfère mentir plutôt que lui révéler qu’elle sort de prison et qu’elle est mère de deux enfants. Et, quand elle a la chance de pouvoir se rendre à Londres afin d’y rencontrer un célèbre animateur de radio, celui-ci perçoit ce qui fait défaut chez elle : non pas sa voix qui est superbe, mais quelque chose de l’ordre de la vérité, ou de sa vérité peut-être. En fin de compte, Rose-Lynn ne sera une grande chanteuse de country qu’à partir du jour où elle sera capable de mettre en communion la musique et la vérité. Et que cela ait lieu à Glasgow plutôt qu’à Nashville importe peu ! En développant ce sujet-là, dont dépend aussi une possible réconciliation de Rose-Lynn avec sa mère et ses enfants, le film, nonobstant son apparence quelque peu conventionnelle, séduit à la fois du point de vue de l’émotion et de celui de l’intelligence.