Le film d’ouverture de Cannes, c’est toujours la sucrerie avant le plat de résistance. Mais il s’agit tout de même d’un film abordable pour le grand public et qui ne vise pas la palme d’or. Les enjeux sont donc simples pour l’œuvre de Jim Jarmusch qui prend un nouveau virage, avec des morts-vivants en arrière-plan. Et pourtant, il sera difficile de cerner les intentions du cinéaste qui se joue peut-être du spectateur ou bien son coup de poker ne suffira pas à réveiller le mort qui est en nous, afin d’épouser son discours écologique et satire d’une société aveuglée par la routine et la technologie. Cependant, et il faudra bien l’admettre, il apprécie juxtaposer des moments irrationnellement plaisants, car on touche une parodie, mais qui semble paresseuse, car ne cherche pas non plus à se démarquer de l'oeuvre culte d’Edgar Wright.
Mais entres ces moments qui tentent d’atteindre l’euphorie, c’est le coup de mou. Le cliché est présent pour rassurer un public, trop bercé pour ce statut de film parodique. Il joue énormément sur le comique de répétition, mais ne propose pas vraiment d’évolution. Il brosse un portrait du monde dans le déclin, mais rien n’est vraiment pris au sérieux, en allant même questionner la réalisation de ce film. Tantôt ludique, tantôt ultra-référencé, on semble faire la part des choses. Il faut se détendre, voilà où l‘intrigue souhaite en venir. C’est en redécouvrant le monde avec amusant, qu’on pourra apprécier cette œuvre décalée. De Tom Waits à Iggy Pop, nous assistons malheureusement plus à une succession de sketches, sans prétention de les lier avec cohérence. Et ce sacrifice se ressent à plusieurs niveaux, malgré l’engouement sur certaines scènes.
Il n’est même pas question de laisser planer une sorte de doute, car tout est calculé et tracé, au nom de l’absurdité burlesque. Mais on n’exploite pas du tout les zombies, si ce n’est la façade narrative. Dans « Only Lovers Left Alive », il y avait matière à écrire sur des caricatures, avec une bonne justesse de mise en scène. Ici, la paresse envahit les rues et c’est à distance que l’on contemple la civilisation s’éteindre, notamment à travers le regard d’un ermite. Le réalisateur recycle tout jusqu’à l’os, en proposant des interactions confuses. Le duo de policiers que forment Cliff Robertson (Bill Murray) et Ronald Peterson (Adam Driver) abordent pourtant l’apocalypse avec un tel décalage qu’on en rit, mais juste un moment. Outre la performance simpliste mais efficace des interprètes, on reste assez peu réceptif sur le long terme. Seule Zelda Winston (Tilda Swinton), le croque-mort de cette ville, enfoui dans les profondeurs des Etats-Unis, a le mérite d’être singulière. Entre Kill Bill et le spécimen étranger qu’elle incarne, elle constitue l’enjeu même du récit qui cherche à nous mordre là où on n’y attend pas. Mais ce constat est tellement bancal qu’on a nous-même du mal à y croire.
Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage de Jarmush, il est important de considérer ses œuvres précédentes, comme « Stranger Than Paradise », « Down by Law », « Mystery Train », « Dead Man », « Ghost Dog » et « Paterson » pour ne citer qu’eux. Il a l’habitude de nous plonger dans un quotidien décalé, mais cette fois-ci, l’approche ultra-méta déstabilise un récit qui manque de dynamisme par moment. On fait du surplace et on attend cette fin que l’on redoute, presque avec un élan de lyrisme, mais là encore, ce n’est qu’un miroir trop lisible et qui manque de consistance. « The Dead Don’t Die » n’est donc pas une surprise pour les spectateurs qui se doutaient depuis un moment que tout allait mal se terminer.