Vive le cinéma croate! Et merci, Martin Scorcese, d'avoir produit le film d'Antoneta Alamat Kusijanovic, un film si différent, mystérieux, poétique, avec des personnages d'autant plus attachants qu'ils gardent toujours leur part d'opacité. Si cependant vous vous êtes endormis au Grand Bleu, passez votre chemin, car il y a beaucoup de grands bleus....
Ante (Leon Lucev) vit sur une petite ile de la côte croate, sèche, désertique: le reg. Mais, partout, la mer, sublime. Il vit de quoi, à part pécher des murènes avec sa fille de dix-sept ans, Juliya, (Gracija Filipovic)? On ne sait pas.
Mais il a un grand projet: vendre une partie de l'ile à son "meilleur ami", un richissime américain, Javier (Cliff Curtis), pour y construire un hôtel de luxe. Avec l'argent, la famille pourra enfin s'acheter un appartement à Zagreb, vivre normalement. Qui y croit? Nela (Danica Curcic), sa très jolie femme, une ancienne miss... Mais sans doute Ante ne quittera t-il jamais son royaume maritime, royaume dérisoire où il ne règne que sur deux sujettes...
Justement, Javier débarque sur un yacht avec une bande de jet-setters. Pour eux on organise une fête, à laquelle les femmes doivent se montrer, mais en suivant les diktats du maitre. Robes décentes, surtout pour Juliya à peine sortie de l'adolescence, qui passe sa vie en maillot de bain, inconsciente de la provoquante femellité de son corps (athlétique sans être sèche ou musculeuse, cette actrice est magnifique)
Qui est Javier? Que vient il faire chez cet homme qui a été son employé, et qu'il méprise (tout autant qu'Ante, en fait, le déteste)? Revient il, en plein divorce, pour revoir Nela? Qui est Ante, ce tyran qui brutalise et enferme une fille dont, par ailleurs, il est très fier? A quoi pense t-il lorsqu'il regarde Javier flirter avec Nela, alors qu'ils ont été amoureux dans leur jeunesse? Qui est Nela confrontée au retour de cet homme qui, lui, a réussi? Pourquoi choisit -elle toujours de soutenir Ante, de prendre toujours le parti de cette brute contre Juliya, par peur de lui, ou par le reste de quelque fort attachement? Et surtout, que deviendra Juliya, cette petite boule de révolte qui se faufile dans l'eau, souple comme une murène, abominable poisson à corps de serpent, mais qui dans la vie ressemble plutôt à un pauvre poisson rouge enfermé dans un aquarium, qui ne cesse de se cogner à ses parois, qui presse sa mère de partir avec son ancien amoureux, de fuir cette ile-prison...
C'est beau, c'est intelligent, c'est original, c'est différent.